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MANUSCRITS La critique génétique

Les éditions génétiques

À la différence des éditions critiques à composante génétique mais centrées sur le texte et enrichies par des transcriptions (type Pléiade, Archivos, etc.), les éditions génétiques visent la publication de manuscrits en donnant à voir le travail de l'écriture. Elles se répartissent en deux grandes orientations : d'une part, les « éditions horizontales », qui s'intéressent à une phase précise de la genèse et publient des documents se rapportant à cette étape déterminée de l'itinéraire génétique (une couche de manuscrits) ; d'autre part, les « éditions verticales », qui cherchent à traverser l'épaisseur du dossier de genèse pour reconstituer un trajet génétique allant, par exemple, des premières formulations du projet au texte définitif de l'œuvre publiée.

L'édition horizontale

L'édition horizontale a pour vocation la publication d'un ensemble de documents se rapportant à une phase précise ou à un moment délimité du travail de l'écrivain, en amont des brouillons (plans, scénarios, premier jet), en aval de la rédaction (mise au net, manuscrit définitif, épreuves corrigées) ou en marge des documents rédactionnels (carnets, notes de lectures, notes d'enquête, dossiers documentaires). Elle peut porter sur des manuscrits de dimensions variables et de natures très diverses (documents de genèse d'une œuvre publiée ; inédit ; journal ; notes de travail, de voyage, etc.).

Les manuscrits d'une œuvre publiée

On peut citer, dans la collection Manuscrits (Zulma et C.N.R.S. éd., dirigée par Y. Leclerc), les Plans et scénarios de « Madame Bovary » (par Y. Leclerc), les notes préparatoires de Georges Perec (Cahier des charges de « La Vie mode d'emploi », par H. Hartje, B. Magné et J. Neefs, 1993), ou encore une version des Infortunes de la vertu de Sade sous forme de conte (par J.-C. Abramovici et M. Delon). Les manuscrits plus aboutis (Le Horla, de Maupassant par Y. Leclerc, 1993 ; Sido de Colette, par M. Delcroix, 1994) ont une portée génétique moins significative. En revanche, l'édition du manuscrit unique des Champs magnétiques, d'André Breton et Philippe Soupault (par S. Faucereau et L. Lachenal, éd. Lachenal et Ritter, 1988) constitue un cas historique : œuvre culte, symbole de l'écriture automatique, expérience limite de scription immédiate, le texte des Champs magnétiques avait été présenté par ses auteurs comme l'exemple même du pur jaillissement poétique. On imagine avec quel amusement et quelle joie sacrilège les éditeurs ont transcrit les corrections et ratures qui émaillent le manuscrit : des remaniements habiles qui, par leur seule existence, mettent fin à l'un des grands mythes de la littérature moderne.

Œuvres et écrits inédits

Trois cas peuvent se présenter. Il peut s'agir de publier intégralement la version « quasi définitive » d'un texte resté inédit du vivant de l'auteur, puis publié partiellement (sous une forme atrophiée ou falsifiée) à titre posthume : c'est le cas du Voyage en Égypte de Flaubert (par P.-M. de Biasi, Grasset 1991) qui n'était connu que sous une version censurée, ou de la monumentale édition de La Vie de Henri Brulard (par G. Rannaud, Klincksieck, 3 vol., 1996-1998) qui transcrit l'autographe intégral de Stendhal. Le deuxième cas concerne les brouillons d'un projet inachevé mais contenant assez d'éléments rédigés et/ou ordonnés pour qu'il soit possible d'en proposer une lecture, sous la forme hypothétique d'un « pseudo-texte » qui sera nécessairement une interprétation (Jean Santeuil, par P. Clarac ; Maumort, par A. Dastre). Le troisième cas est celui des brouillons ou documents laissés intégralement à l'état de chantier, dans lesquels tout indique que l'auteur travaillait[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé de l'Université, docteur en sémiologie, chargé de recherche au CNRS, directeur adjoint de l'Institut des textes et manuscrits modernes

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