- 1. La courbe historique du maoïsme
- 2. L'activisme maoïste, entre traditions et agitation urbaine (1913-1920)
- 3. Apprentissage de la politique (1921-1927)
- 4. La rupture avec l'horizon urbain (1928-1935)
- 5. L'exercice avant la conquête du pouvoir (1936-1945)
- 6. Le bond vers le Grand Bond en avant (1946-1958)
- 7. La retombée de la parabole maoïste (1959-1976)
- 8. « Post mortem » : un héros national
- 9. Bibliographie
MAO ZEDONG ou MAO TSÉ-TOUNG (1893-1976)
Apprentissage de la politique (1921-1927)
Dans l'immédiat, un pas important est franchi avec l'adhésion au communisme, dessinée en 1920, à la faveur de brefs contacts à Shanghai et à Pékin, puis au sein d'un petit groupe marxisant de Changsha, que Mao représente au congrès qui fonde le Parti communiste chinois (P.C.C.) en juillet 1921. Cela ne fait de lui ni un dirigeant du parti – rôle réservé aux intellectuels cosmopolites de Shanghai – ni un « vrai » communiste. Tout au long des années 1920, il est un agitateur de province contré dans ses tentatives d'ascension, et, s'il est devenu un homme de parti, c'est autant et parfois plus dans le G.M.D. qu'au sein du P.C.C. (allié en Front uni à ce dernier de 1923 à 1927). Les années 1920 sont celles de l'apprentissage politique, qui sera dépassé. Le premier communisme de Mao est avant tout la volonté d'ancrer l'idéal de la transformation sociale dans un modèle d'organisation, alors confondu avec la révolution russe. La transformation sociale et l'organisation politique changeront de modèle, mais la formule subsistera. Jusqu'au bout, elle sera la marque indélébile de l'identification du maoïsme au communisme.
En acceptant l'instrument politique par excellence qu'est un parti, Mao suit une minorité d'activistes qui se sont persuadés que l'action de masse nécessite une organisation stricte à l'échelle du pays. Devenu prépondérant en 1919, l'exemple russe se durcit sous leurs yeux, passant de la démocratie des soviets à la dictature bolchevique. Les débats qui exposent la faiblesse organisationnelle du modèle activiste conduisent à mettre en lumière son caractère réformiste et modéré. S'identifier à la lutte des classes et à l'action ouvrière est un gage d'appartenance à une révolution mondiale perçue comme une voie d'accès à la modernité plus sûre pour la Chine que l'activisme fondé sur l'éducation, les coopératives, les réformes locales ou l'agitation s'adressant à l'ensemble de la société. Peu importe que les ouvriers soient si peu nombreux : quand ils se soucient de répondre à cette objection, les convertis au communisme déclarent que la Chine, dans sa totalité, face à l'impérialisme, est une « nation prolétaire ».
Chez Mao, les ajustements doctrinaux et le radicalisme social compteront beaucoup par la suite, mais ils s'effacent au départ derrière le postulat de l'organisation. Aussi prend-il le tournant du Front uni, alors que les dirigeants du P.C.C. se cabrent : le G.M.D. a le mérite d'être un géant à côté du pygmée communiste. À Changsha, à Shanghai, il cultive au sein du parti nationaliste des accointances qui le rapprochent des centres de décision, mais qui lui valent la vindicte des anti-Front du P.C.C. À partir de 1925, après un passage à vide encore mal expliqué, il fait de l'agit-prop dans la campagne hunanaise, travaille dans les organes chargés de lancer un mouvement paysan et s'affaire à décrire la réalité villageoise et la « grande union » en termes marxistes. La légende a porté aux nues ces textes et ces activités. Mao y prend, certes, un nouveau départ, car s'il n'a fait que de courts séjours à Pékin et à Shanghai, s'il n'a pas suivi ses amis qui se sont embarqués pour la France, s'il a été un provincial taxé de « localisme », ce fils de la terre ne s'en est pas moins formé politiquement dans l'univers de la ville. Mais sa conversion à l'action paysanne ne fait que suivre une voie ouverte par d'autres, qui comptent alors plus que lui.
L'année 1927 lui fait franchir des caps plus décisifs en direction de lui-même. Dans son Rapport d'enquête sur le mouvement paysan dans la province du Hunan, qui magnifie les troubles[...]
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Écrit par
- Yves CHEVRIER : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, directeur du Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine, E.H.E.S.S.-C.N.R.S.
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Médias
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