- 1. La courbe historique du maoïsme
- 2. L'activisme maoïste, entre traditions et agitation urbaine (1913-1920)
- 3. Apprentissage de la politique (1921-1927)
- 4. La rupture avec l'horizon urbain (1928-1935)
- 5. L'exercice avant la conquête du pouvoir (1936-1945)
- 6. Le bond vers le Grand Bond en avant (1946-1958)
- 7. La retombée de la parabole maoïste (1959-1976)
- 8. « Post mortem » : un héros national
- 9. Bibliographie
MAO ZEDONG ou MAO TSÉ-TOUNG (1893-1976)
La retombée de la parabole maoïste (1959-1976)
Du moins y parvient-il, d'après nos connaissances actuelles, jusqu'au Grand Bond. Les dirigeants provinciaux et, surtout, les activistes de la base, qui défendent la nouvelle répartition du pouvoir et des ressources, sont sa principale masse de manœuvre. Leur émulation l'aide à chambouler le calendrier de la collectivisation, déclenche la fièvre des communes populaires et nourrit les surenchères de 1958. Il faut la famine pour provoquer une rupture. Ils ont contribué à l'étendre en livrant avec zèle des récoltes diminuées pour les villes décrétées prioritaires, alors que les secours pour nourrir la paysannerie seront insuffisants ou inexistants. Avec la population, ils se replient sur le local et sur le quotidien, non sans renvoyer, à l'occasion de leurs conflits propres, des échos microfactionnels des luttes au sommet.
Car si Mao parvient à isoler Peng Dehuai, qui a l'audace de dénoncer la folie (1959), il ne peut contrer directement les mesures de salut public derrière lesquelles Liu Shaoqi et Deng Xiaoping, convertis à l'antivolontarisme, vont dessiner en pointillé une politique pragmatique qui ne prévaudra pleinement qu'après sa mort. Aux fronts mobiles et aux débats des années 1950 succède une guerre de position codée. Par Khrouchtchev interposé, Mao condamne le révisionnisme, appelle à une remobilisation, dont l'exemple est donné par Le Petit Livre rouge, l'armée (où Lin Biao remplace Peng Dehuai), l'opéra révolutionnaire de Jiang Qing, la brigade modèle de Dazhai. Il serait absurde d'envisager qu'il ait perdu le pouvoir durant cette obscure « lutte entre les deux lignes », excessif même de penser qu'il en ait perdu une partie : outre l'armée, la sécurité et le soutien de Zhou Enlai, il tient de solides positions, Shanghai notamment. Avec Jiang Qing et d'autres membres de la future bande des Quatre, il y prépare en sous-main la contre-attaque au grand jour que sera la révolution culturelle (1966).
Additionnons au lieu de soustraire. Mao reste intouchable, mais il devient aussi un chef de clan dans un régime factionnalisé : l'usure au sommet s'ajoute à celle de la base. La révolution culturelle est donc loin d'être l'apogée du maoïsme : sa prétention à mobiliser croît à mesure que ses forces réelles s'émoussent (Jean-Luc Domenach).
Mao peut néanmoins compter sur la fanatisation des jeunes et sur les laissés-pour-compte d'une société dont la fluidité tarit elle aussi. Les écoliers, les étudiants, les ouvriers sans contrats seront ainsi attirés dans le maelström qu'il déclenche en 1966. Sans avoir jamais perdu le contrôle politique du mouvement, il devra néanmoins casser la gauche anarchisante des gardes rouges pour préserver son système de pouvoir. Ce revirement du Timonier (1967-1968) engendre une dictature militaire organisée par Lin Biao puis, après la rupture avec Lin et sa disparition (1971), un gris retour à l'ordre sous l'indéfectible Zhou Enlai, qui n'en met pas moins à profit l'usure du maoïsme pour renouer avec un certain pragmatisme : le retour en grâce de Deng Xiaoping (1973) suit le rapprochement avec les États-Unis (1972).
À l'écart du pays profond, une ultime lutte – des intrigues de sérail autour d'un despote diminué par la maladie –, oppose les ultras du maoïsme, conduits par Jiang Qing et les Shanghaïens, aux pragmatistes regroupés derrière Deng. Que Mao (mort le 9 septembre 1976) ait survécu à Zhou (décédé en janvier) ne fait que retarder la victoire de ces derniers. Hua Guofeng, chef de la sécurité et dauphin désigné, se joint à eux pour éliminer la bande des Quatre (octobre) avant d'être écarté à son tour, lorsque le régime, largement soutenu, prend le virage de la démaoïsation (1978).
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Écrit par
- Yves CHEVRIER : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, directeur du Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine, E.H.E.S.S.-C.N.R.S.
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