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MARAE

Les termes marae, malae ou me'ae désignent en Polynésie un espace réservé aux activités de la hiérarchie sociale : réunions, intronisation des chefs, repas cérémoniels... Dans certaines îles, on y établissait la maison du chef ; ailleurs, celle des ancêtres ou des dieux. Cet espace, soigneusement entretenu, était ou non distinct de la place de danse et plus ou moins tabou. Des pierres y étaient parfois dressées, consacrées aux ancêtres. Aux îles de la Société et dans les archipels voisins, on en vint à réserver ce terme pour des monuments particuliers, distincts des places de réunion ou de danse traditionnelles et particulièrement tabous. L'apparition de ces constructions lithiques s'explique, ici, par une exceptionnelle organisation de la religion et par la naissance d'une véritable classe sacerdotale, fait unique en Océanie. En dehors de la Polynésie centrale, en effet, les questions relatives au monde invisible et à ses forces sont toujours confiées à des spécialistes, choisis pour leur compétence en la matière et dont la charge n'est pas héréditaire.

Chacun des groupes humains, aux différents niveaux des classes sociales, avait son marae, consacré à ses dieux et à ses ancêtres et témoin de sa généalogie. On y accomplissait des rites propitiatoires périodiques ou exigés par les circonstances : naissance ou décès, guerre... Ces monuments comportaient une cour, pavée ou non, enclose ou non d'un mur ou d'une palissade. Une plate-forme rectangulaire, appelée ahu, était construite à l'une de ses extrémités et des pierres dressées sur chant dans la zone la plus taboue (celle du ahu) et dans la cour. Ces pierres étaient commémoratives, mais elles servaient également de support pour les êtres invisibles appelés à siéger provisoirement dans l'enceinte du marae. Celui-ci comportait encore d'autres éléments construits en matériaux périssables : cases pour ranger les objets du culte et les pirogues sacrées, poteaux sculptés, plates-formes pour exposer les offrandes. L'aspect de ces monuments varie d'île en île et à l'intérieur même des îles, sans que l'on puisse, comme on le prétendait vainement jadis, les classer en différents types. La seule classification possible concerne non leur plan, mais le mode d'appareillage des matériaux mis en œuvre : corail et pierres volcaniques.

Beaucoup de ces marae ont disparu depuis l'arrivée des Européens. Un effort, cependant, est actuellement entrepris pour restaurer ceux qui peuvent l'être encore et pour découvrir et étudier ceux qui sont situés dans les vallées de l'intérieur des îles, zones jadis très peuplées, mais que les Polynésiens abandonnèrent peu à peu pour s'installer, comme les Européens, sur les plaines côtières. Les marae les plus célèbres sont ceux de Mahaitea à Tahiti et d'Opoa (Taputapu-atea) à Raiatea, une des îles de la Société. Le premier, presque entièrement détruit au xixe siècle pour en tirer des matériaux de construction, comportait un ahu en forme de pyramide à degrés, haut de 17 mètres et dont la base mesurait 90 mètres de long sur 30 mètres de large. Le second, beaucoup moins spectaculaire que le précédent, était cependant le plus important de tous. Les spécialistes de toute la Polynésie orientale, ou presque, s'y réunissaient périodiquement pour y accomplir des rites en commun et se consulter sur des problèmes de généalogie, de théologie et de théogonie. Ce marae, que les anciens auteurs qualifiaient d'international, fut récemment entièrement restauré.

— José GARANGER

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  • : professeur émérite à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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