LE BOT MARC (1921-2001)
Deux préoccupations traversent la vie de Marc Le Bot, celle de l'art et celle de l'écriture que ses travaux d'enseignant chercheur comme son œuvre d'essayiste et de poète lient de façon indissoluble.
Né le 9 septembre 1921 à Combrit (Finistère), Marc Le Bot est mort à Paris le 25 mars 2001. Sa personnalité restera marquée par le contexte tendu de sa jeunesse bretonne. Après ses études supérieures, il enseigne les lettres classiques en lycée, mais ses intérêts essentiels l'entraînent dans le sillage de Pierre Francastel, titulaire depuis 1948 de la chaire de sociologie de l'art à l'École pratique des hautes études où s'engage un renouveau décisif dans l'approche des œuvres et de leur production. Après sa thèse de troisième cycle consacrée à Picabia (1967), Marc Le Bot est nommé maître assistant puis chargé d'enseignement à l'université de Paris-X-Nanterre où il fonde et dirige le Centre de recherches sur l'histoire de l'art contemporain. En 1973, ayant soutenu sa thèse d'État, Peinture et machinisme, il est élu à la chaire d'histoire de l'art contemporain de Paris-I qu'il occupe jusqu'à sa retraite active, en 1989. Conférencier international, auteur de plusieurs essais sur l'art, il collabore à des revues comme Critique ou Traverses, et notamment à Esprit où, en 1992, il s'engage dans le débat polémique, mettant en cause l'ère de l'après-Duchamp, ses dérives esthétiques, idéologiques et marchandes.
Marc Le Bot a été un médiateur généreux, plus soucieux de suggérer des méthodes et des pistes de réflexion que de prescrire ses propres vues ou de s'imposer par son érudition. Au sein de l'université, il fut sans doute le premier à s'investir de façon radicale dans l'actualité de l'art. Ses cours et séminaires rompaient avec le mode répandu de la leçon instituée, encombrée, selon sa formule, de „connaissances/méconnaissances“. Sa manière, exemplaire, se fondait sur des analyses délivrant sans cesse une nouvelle „matière à penser“. Parmi les plasticiens du moment, Adami, Cremonini, Cueco, Kermarrec, Monory, Rouan ou Veličković furent les fidèles des rencontres avec l'auditoire étudiant ; Gina Pane, héroïne de l'art corporel, y fit également une intervention mémorable.
Les perspectives et la méthode de Marc Le Bot s'agencent selon un réseau complexe de „points d'appuis“, secrets ou qu'il rend manifestes. „Contemporanéiste“ atypique, il pense l'événement dans le long terme, évoquant Léonard de Vinci, Rembrandt, Mondrian ou Klee. Sa vision de l'histoire, jugée parfois hétérodoxe, engage d'autres composantes selon une théorie dynamique et structurelle : la sémiologie, car l'image se constitue par des signes ou par leurs simulacres ; la linguistique, puisque le langage vient toujours affleurer là où se manifestent les formes ; la psychanalyse, utilisée de façon non livresque, qui lui permet de postuler l'idée d'une „pensée artistique“ autonome. En observateur engagé, il ancre sa réflexion dans le politique, concept dont il garde en vue l'étymologie (polis, la „cité“), fidèle à la sociologie de l'art. Dans ce concert, il privilégie deux facteurs. L'un d'ordre technique, l'œuvre se trouvant prédéterminée par son infrastructure matérielle – sa dimension de chose. L'autre le corps, truchement, modèle et substance dont la création ne saurait s'affranchir.
L'écriture fournit en abondance des lieux où travaillent et se remembrent les préoccupations profondes et fusionnelles de Marc Le Bot sur l'art et la littérature. Cette activité-là produit de courts récits ou „romans“ écrits à la première personne ainsi que des textes poétiques adressés à l'„Autre“. Ils tissent avec discrétion les[...]
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Écrit par
- Claude FRONTISI : professeur émérite des Universités, président du centre de recherche Pierre-Francastel
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