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ARLAND MARCEL (1899-1986)

Jean Paulhan n'aurait pas existé, Marcel Arland eût sans doute été le grand patriarche des lettres françaises de l'après-guerre. Mais la présence rigide et sévère du premier a accentué la discrétion du second — qui n'en demeure pas moins l'un des représentants les plus brillants de l'esthétique et du souci littéraires du xxe siècle.

Marcel Arland naît le 5 juillet 1899 en Haute-Marne, à Varennes-sur-Armance. Très tôt, il perd son père qu'il n'aura pour ainsi dire pas connu. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, il « monte » à Paris, entre à la Sorbonne, fréquente les cercles littéraires d'alors, rencontre Proust, Giraudoux, Mauriac, Cendrars... Il est professeur de lettres à Jouy-en-Josas quand il reçoit le prix Goncourt en 1929 pour L'Ordre, son sixième roman. En 1940, il désapprouve la reparution de la N.R.F. sous la férule de Drieu La Rochelle ; et ce n'est qu'en 1952 qu'il deviendra, avec Paulhan, le codirecteur de cette très célèbre revue littéraire. L'Académie française couronne son œuvre, riche d'une quarantaine d'ouvrages, en l'accueillant seize ans plus tard.

Respectueux d'un style à la pureté classique, soucieux de ne point rompre la mélodie propre à toute page profonde, et passionné par les ressorts internes, intimes, de l'existence, Marcel Arland se rattache à la lignée des écrivains psychologiques de l'entre-deux-guerres, façon François Mauriac ou André Gide. Les relations familiales et les attaches sentimentales aux lieux (Terre natale, 1938), l'opposition à la société et la passion juvénile du nihilisme (L'Ordre, 1929), l'angoisse de la mort et de la solitude (La Consolation du voyageur, 1952) ; tous les problèmes de la communication, mais aussi du déchirement entre l'ombre et la lumière, l'ordre et l'anarchie, l'édification et la destruction, nourrissent les fictions, fréquemment autobiographiques, de Marcel Arland.

Il semble bien que ce soit dans un genre tout particulier, la nouvelle, qu'Arland ait montré le sommet de son talent. On y perçoit un goût évident pour l'histoire sanglée en quelques pages (L'Eau et le feu, 1956, À perdre haleine, 1960), le plaisir de croquer une personnalité ou une situation, le désir de peindre le quotidien dans sa vivacité. Un quotidien qui n'est pas toujours heureux. Marcel Arland interroge le mystère de la mort, ne craint pas de décrire crûment certaines souffrances intimes. Des critiques comme Jean Duvignaud et André Gillois ont bien analysé dans leurs essais les différents mouvements qui agitent cet écrivain jamais en paix, éternel promeneur solitaire sur les chemins de l'ombre. Et Arland de murmurer : « On ne choisit pas sa blessure. Elle naît au monde avec nous, mais de plus loin, et, il me semble, de plus haut. Nous n'avons qu'à l'assumer. » Témoin, aussi, ce mot sur Gide : « Il m'est difficile de l'aimer, parce qu'il n'a pas connu la souffrance. »

En 1977, Marcel Arland (il a soixante-dix-huit ans) publie, selon ses propres mots, son « dernier livre » : Avons-nous vécu ?, un témoignage où l'écrivain retrace le fil de sa vie, revient sur ses terres, s'interroge une dernière fois par écrit. Il y confesse : « Je dirai [...] que j'ai beaucoup écrit, et trop peut-être, je le crois ; que pourtant je voudrais écrire encore, écrire à voix nue, de plus en plus nue, suivre mon chemin jusqu'au bout, où le dernier pas et le dernier mot se confondent. » Livre de souvenirs ? Non. Mais chant de grâce à l'écriture, et à son pouvoir d'harmonie qui combat les deuils et les misères. Plus modeste que jamais, Marcel Arland affirme que ses livres ne sont rien s'ils ne parlent pas « pour beaucoup d'autres ». Et c'est peut-être cela, finalement, l'œuvre d'Arland : une manière troublante de donner [...]

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  • NRF (Nouvelle Revue française)

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    De toutes les revues, La Nouvelle Revue française fut certainement la plus convoitée et la plus imitée. Réussite suprême, ses seules initiales, N.R.F., sont devenues familières et suffirent longtemps à désigner une haute ambition littéraire. À la fois revue de création et revue de critique, ...