BOUSSAC MARCEL (1889-1980)
Marcel Boussac naît le 17 août 1889. Sa mère quitte en 1892 son époux et la vie provinciale pour aller à Paris partager l'existence du poète Catulle Mendès. Après de brèves études – il quitte le lycée à seize ans –, le jeune Marcel s'initie aux affaires auprès de son père, drapier à Châteauroux. Il n'a pas vingt ans lorsqu'il arrive à Paris avec la coquette somme de 100 000 francs-or dans sa poche. Muni de ce viatique, il a l'idée, à une époque où les femmes s'habillent de sombre, de lancer la mode des tissus aux couleurs vives que vont lui fournir les industriels vosgiens. C'est la réussite, et son succès sera rapide : il acquiert sa première Rolls en 1913 et possède son premier cheval en 1914.
La Première Guerre mondiale sera pour lui l'occasion d'une nouvelle étape. À la suite d'un accident, il est versé dans l'auxiliariat à l'arrière ; il en profite pour importer du coton, vendre du tissu aux armées et fabriquer dans l'usine qu'il a achetée à Nomexy, dans les Vosges, la toile nécessaire aux voilures des avions de combat. En 1917, grâce au soutien de René Laederich, régent de la Banque de France, et du sénateur Lederlin, il fonde le Comptoir de l'industrie cotonnière. Sa réussite s'explique sans doute par ses relations – Clemenceau le félicite pour son action dans l'organisation de la production de guerre –, mais aussi et surtout par son talent de créateur et par sa puissance de travail. Après la guerre, l'ascension se poursuit grâce aux toiles d'avion. Il dispose, en effet, d'immenses stocks de ce tissu militaire dans lequel il va confectionner des pyjamas, des chemises, des blouses et des robes réputés inusables. C'est la ruée vers ses magasins rebaptisés À la toile d'avion ; le succès est, une fois encore, remarquable et les bénéfices considérables.
La grande crise de 1929 l'épargne et lui sert de nouveau tremplin, car il rachète, à bas prix, les entreprises textiles défaillantes, qui viennent agrandir son empire. Ses contacts avec les milieux politiques, de Pierre-Étienne Flandin à Léon Blum en passant par Georges Bonnet et Vincent Auriol, lui permettent de développer une véritable stratégie financière.
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Boussac est à la tête de la première entreprise textile de France. Tout lui réussit. À ses victoires industrielles s'ajoutent ses triomphes sur les champs de course. En 1919, il déclare ses couleurs : casaque orange, toque grise. L'année suivante, il devient propriétaire d'un grand haras normand à Fresnay-le-Buffart. En 1922, il remporte son premier grand succès : la course du Jockey-Club, épreuve qu'il gagnera douze fois. Le cheval devient pour lui une passion et ses couleurs ne tardent pas à régner sur les hippodromes des deux côtés de la Manche.
Sa suprématie, incontestée pendant plus de quarante ans, le portera à la présidence de la Société d'encouragement où, roturier, il succédera à une lignée de membres du Jockey-Club. En 1939, enfin, il épouse la cantatrice Fanny Heldy, qu'il aime depuis la Première Guerre et qu'il ne manque jamais d'aller applaudir de son fauteuil, au troisième rang de l'Opéra.
La Seconde Guerre mondiale n'entrave pas le fonctionnement de la maison Boussac : les usines continuent de tourner malgré la réduction des débouchés, accumulant des stocks pour l'avenir. Marcel Boussac ne cesse de faire des projets ou des profits. Il achète, parce que Fresnay-le-Buffart ne suffit plus, le haras de Jardy, proche de Versailles, ainsi que l'hippodrome de Saint-Cloud. À la Libération, les affaires s'accélèrent et se diversifient. C'est d'abord en 1947 le lancement de la maison de couture Dior avec la mode new look qui séduit à la fois Françaises et Américaines.[...]
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Écrit par
- Jean-Claude MAITROT : professeur de droit public à l'université de Paris-V-René-Descartes
Classification
Autres références
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MODE - Histoire et composantes
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Catherine ORMEN
- 12 491 mots
- 1 média
...les Américains appliquent le taylorisme à la fabrication des vêtements, quelques confectionneurs français franchissent le cap de l'industrialisation. Marcel Boussac, avec le Comptoir de l'industrie cotonnière et la chaîne de magasins À la toile d'avion, fournit un exemple de concentration verticale.... -
PRÊT-À-PORTER
- Écrit par Catherine ORMEN
- 3 591 mots
...les Américains appliquent le taylorisme à la fabrication des vêtements, quelques confectionneurs français franchissent le cap de l'industrialisation. Marcel Boussac, avec le Comptoir de l'industrie cotonnière et la chaîne de magasins À la toile d'avion, fournit un exemple de concentration verticale....