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BROODTHAERS MARCEL (1924-1976)

Un « musée fictif » critique

L'année 1968 marque un tournant dans son œuvre. L'artiste s'oriente en effet vers un art plus « conceptuel », avec la création d'un musée fictif. Le « Musée d'art moderne/Département des Aigles » a été baptisé d'après un vers de Broodthaers, « Ô mélancolie, Aigre château des Aigles » et l'artiste en est le « directeur ». D'abord créé dans son appartement, ce musée qui n'est composé que de cartes postales, de projections de diapositives, de caisses pour le transport des œuvres et, parfois, même de camions garés dans la rue voisine, change régulièrement de sections (xixe siècle, documentaire, publicité, littérature, cinéma, etc.). Présenté dans différents lieux, il fonctionne comme une institution véritable. Il est l'occasion de vernissages, se déplace de musées en galeries etc. Le musée connaît son apothéose en 1972, lorsqu'il est exposé à la Kunsthalle de Düsseldorf, « Section des figures », où sont rassemblés trois cents objets de plusieurs pays et de différentes époques représentant des aigles. Devant chaque ensemble est posé un cartel indiquant : « Ceci n'est pas une œuvre d'art ». Voyant que la fiction devient peu à peu réalité, que la critique du système muséographique et artistique qu'il a mise en place se transforme elle-même en système, Broodthaers décide de fermer le musée en 1972, alors qu'il était exposé à la Documenta V de Kassel. Lors de sa conférence de presse, il déclare : « Une fiction permet de saisir la vérité et en même temps ce qu'elle cache. » De 1972 à 1975, il accentue la dimension critique de son travail en organisant des événements ayant pour thème la logique des expositions, de leurs catalogues, etc. (Catalogues à Bruxelles ; Éloge du sujet à Bâle ; Invitation pour une exposition bourgeoise à Berlin...). L'artiste meurt à Cologne en 1976. La Galerie nationale du Jeu de Paume a présenté en 1991 une rétrospective Marcel Broodthaers, qui a permis à un large public de découvrir une œuvre singulière.

— Jacinto LAGEIRA

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Écrit par

  • : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art

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  • ILLUSTRATION

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    • 9 135 mots
    • 11 médias
    ...d'écriture. Dès la racine, tout participe d'un même élan. Nombre des esprits créatifs du livre d'artiste seront donc des tenants de la poésie concrète. Ainsi de Marcel Broodthaers, dont la retranscription d'Un coup de dés jamais n'abolira le hasard en 1969 se double d'un sous-titre Image qui vient...