COHEN MARCEL (1884-1974)
L'ampleur, la variété et l'intérêt de l'œuvre du grand linguiste que fut Marcel Cohen sont à la mesure d'une vie qui recouvre près d'un siècle. Né à Paris, il fit ses études au lycée Condorcet, où naquit l'inaltérable amitié qui devait le lier à Jean-Richard Bloch. Agrégé de grammaire en 1908, il avait commencé en 1903 à suivre les enseignements de Mario Roques et surtout d'Antoine Meillet à l'École pratique des hautes études. Sur le conseil de ce dernier, il s'oriente vers les langues sémitiques et il est diplômé de l'École nationale des langues orientales en 1909, après avoir publié son enquête sur le parler des juifs d'Alger (1908). En 1910-1911, il est chargé de mission en Abyssinie, d'où il rapportera une grande quantité de matériaux tant linguistiques qu'ethnologiques. Nombreuses seront ses publications concernant le domaine éthiopien ; la plus célèbre est son Traité de langue amharique (1936). Marcel Cohen est le collaborateur de Meillet pour la publication de l'ouvrage intitulé Les Langues du monde (1924), dont il donnera une nouvelle édition, mise à jour, en 1952.
Ses travaux de comparatiste ont fait et font toujours autorité dans le domaine des langues sémitiques et chamito-sémitiques, notamment son Essai comparatif sur le vocabulaire et la phonétique du chamito-sémitique (1947). Débordant ce domaine lui-même, son article « Verbes déponents internes en sémitique » reste un modèle de rigueur et de méthode pour quiconque s'intéresse à la démarche scientifique en linguistique.
Par-delà cette activité scientifique, Marcel Cohen participa à la vie politique, sociale, scientifique et culturelle de son temps avec une jeunesse d'esprit surprenante. Militant du Parti communiste, il devait jouer un rôle important sous l'Occupation et dans la Résistance. Après la Libération, il fit paraître un grand nombre d'ouvrages de vulgarisation, dont le niveau scientifique et le caractère souvent novateur témoignent de son respect pour le public : Histoire d'une langue : le français (1947), Le Langage (1950), L'Écriture (1953), version abrégée de La Grande Invention de l'écriture et son évolution (1958), où se rejoignent les intérêts linguistiques et ethnologiques de l'auteur.
Marcel Cohen fut un véritable pionnier dans le domaine de ce qu'on appelle aujourd'hui la sociolinguistique. Lorsque paraît Pour une sociologie du langage (1956), le livre est ignoré au point que l'éditeur en mettra les exemplaires au pilon ; ce n'est qu'en 1971 que sera publié à nouveau chez un autre éditeur sous le titre de Matériaux pour une sociologie du langage cet ouvrage important par la richesse de sa documentation et l'ampleur des problèmes qu'il embrasse.
Observateur attentif à toutes les subtilités des faits de langage et soucieux de faire partager ses réflexions et ses découvertes au plus grand nombre, Marcel Cohen écrivait beaucoup et sous les formes les plus variées : articles, livres, chroniques (tels les fameux Regards sur la langue française parus dans l'hebdomadaire Les Étoiles puis dans L'Humanité), comptes rendus (en particulier dans le Bulletin de la Société de linguistique et dans L'Année sociologique), communications à la Société de linguistique, dont il fut toujours un membre très actif. L'ouvrage intitulé Cinquante années de recherches (1958) et les Mélanges Marcel Cohen (1970) présentent une bibliographie presque complète de son œuvre.
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Écrit par
- C.-H. VEKEN : assistant à l'université de Paris-VII
Classification
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