CONCHE MARCEL (1922-2022)
Marcel Conche est né le 27 mars 1922 à Altillac, en Corrèze, dans une famille de petits cultivateurs. En raison de ses origines sociales très modestes, il fréquente le cours complémentaire de Beaulieu-sur-Dordogne, où il est remarqué par ses instituteurs, ce qui l’amène à l’école normale de Tulle, puis au lycée de cette ville où il obtient son baccalauréat. Après un début de carrière comme instituteur, il fait le choix de rejoindre la faculté des lettres de Paris, où il obtient l’agrégation de philosophie. Sa carrière est aisée à résumer : trois lycées où il enseigne la philosophie dans les classes terminales (Cherbourg, Évreux et Versailles), puis un poste d’assistant de philosophie à la faculté des lettres de Lille, sous la direction d’Éric Weil, enfin une chaire en Sorbonne où il prodigue son enseignement de 1969 à 1988. Marcel Conche meurt le 27 février 2022 à Treffort (Ain).
Sa bibliographie se divise en trois ensembles : une quinzaine d’ouvrages consacrés à des philosophes, grecs pour la plupart, souvent retraduits par ses soins ; quelques livres, peu nombreux, dans lesquels il expose sa propre philosophie ; et enfin un troisième groupe de publications proches de l’autobiographie intellectuelle.
Concernant le premier ensemble, on peut retenir que c’est en 1964, à l’âge de quarante-deux ans, que Marcel Conche, ayant lu Montaigne pour la première fois, publie Montaigne ou la conscience heureuse, aux éditions Seghers. Mécontent de cet éditeur, il crée les éditions de Mégare, qu’il inaugure en 1973 avec son livre Pyrrhon ou l’apparence. Les Presses universitaires de France (PUF) rééditent, à partir de 1986, les titres initialement publiés aux éditions de Mégare. Ses livres sur Homère, sur Héraclite, sur Épicure, sur Lucrèce, sont des ouvrages de référence. En 2002, il a traduit et commenté le Tao Te King de Lao-Tseu : deux ans auparavant, il avait décidé d’apprendre les idéogrammes chinois afin de retraduire le texte et de ne pas être prisonnier des traductions antérieures. Pareil apprentissage à l’âge de quatre-vingts ans n’est pas banal et en dit long sur le personnage !
Pour ce qui est du second ensemble, on retiendra La mort et la pensée (1973), Présence de la nature (2001), Le Sens de la philosophie (1999), et ce qui est peut-être son opus majeur, Orientation philosophique, publié pour la première fois en 1974.
Le troisième ensemble, inauguré en 1992 avec Vivre et philosopher, comprend des ouvrages qui évoquent avec une étonnante transparence sa vie et son itinéraire : Ma vie antérieure (1998) ; Confession d’un philosophe (2003), où il répond aux questions du plus célèbre de ses anciens étudiants, André Comte-Sponville ; et Philosopher à l’infini (2005), où il passe en revue les philosophes majeurs avec lesquels il est depuis toujours en dialogue.
Pour Marcel Conche, la vraie philosophie est problématique. Il n’y a pas de vérité ni de preuves en philosophie. Chacun le perçoit mais sans toujours tirer toutes les conséquences de ce caractère essentiel. De ce fait, on ne peut considérer sans restriction comme « philosophes » tous ceux qui ont construit leur édifice autour d’une croyance, en particulier d’une croyance religieuse, non soumise à l’examen critique. Marcel Conche a pu ainsi écrire que « Descartes, Kant, Hegel… n’étaient que des théologiens ! » La vraie philosophie, pour lui, est donc fondamentalement sceptique : Montaigne l’a, dit-il, délivré de Descartes et l’a accompagné tout au long de sa vie. Marcel Conche a redonné tout son souffle, et en même temps son entière rigueur, à la notion de « scepticisme ». Est-il pour autant un relativiste ? Sans doute pas. D’une part, parce que, contrairement aux philosophes relativistes, il défend l’hypothèse d’un absolu moral. D’autre part, parce que, à l’inverse de l’attitude relativiste[...]
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Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
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