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MARCEL DUCHAMP. LA PEINTURE, MÊME (exposition)

Présentée au Centre Georges-Pompidou à Paris du 24 septembre 2014 au 5 janvier 2015, l’exposition Marcel Duchamp-La peinture, même, a choisi de se focaliser, comme son titre l’indique, sur la production picturale de Duchamp (1887-1968). À travers ce titre emblématique, qui reprend, en l’aménageant, le premier titre de ce qui deviendra LeGrand Verre : La Mariée mise à nu par ses célibataires, même (1915-1923), dont une copie était présentée à Paris, chacun aura lu « la peinture, m’aime ». Cette défense du pictural suppose que, pour l’autonomiser, on puisse extraire de l’ensemble du parcours de Duchamp une partie ou un fragment. Cette décision méthodologique est d’emblée problématique si l’on se souvient que l’artiste aura mis un soin particulier à construire une œuvre-vie dans laquelle tous les moments et tous les gestes sont signifiants, de celui qui consiste à se raser la tête ou à porter une perruque (Marcel Duchamp en blonde, 1955, photographié par Man Ray), à celui qui aboutit à l’invention d’un chef-d’œuvre comme Étant donnés (1946-1966).

Le terme chef-d’œuvre est d’ailleurs sûrement inapproprié pour aborder cette œuvre ultime. Car si tous les moments de l’œuvre-vie sont signifiants, ils sont aussi d’importance égale, Duchamp déclarant volontiers : « Je n’ai jamais fait de distinction entre mes gestes de tous les jours et mes gestes du dimanche. » Si bien que dans un parcours rétrospectif ou panoramique, isoler volontairement une partie des choses revient à les surévaluer mécaniquement et à tort. En ce sens, l’exposition parisienne conçue par Cécile Debray avait bien pour visée, malgré ce qu’écrit la commissaire dans l’introduction du catalogue, une réhabilitation de la peinture par celui qui est supposé en avoir abandonné la pratique conventionnelle dès 1918 avec Tu m’, une œuvre qui associe peinture, ready-mades et assemblage en une même toile annoncée comme étant la dernière. Ce tableau est reproduit dans le catalogue mais absent de l’exposition parisienne, sans doute parce que son prêt par la Yale University Art Gallery s’avère aujourd’hui pratiquement impossible à obtenir.

Duchamp peintre « quand même »

Le parcours proposé au visiteur pour explorer la carrière de Duchamp peintre débutait par la reproduction photographique monumentalisée d’une scène du ballet Relâche (1911), de Francis Picabia. Duchamp nu interprétant Adam accompagné de Bronia Perlmutter, elle aussi nue, incarnant Ève, mimaient Adam et Ève, un tableau de Lucas Cranach l’Ancien, une façon de « faire de la peinture » – sous forme de tableau vivant – et de rendre hommage à son histoire avec d’autres moyens que ceux traditionnellement utilisés par les peintres classiques. Dans la première salle d’une visite déployée sur huit espaces, L.H.O.O.Q.(1919) faisait face à la photographie de Fontaine prise par Alfred Stieglitz (1917) tandis que tout au long de la salle l’on pouvait notamment voir une Boîte-en-valise et la série de Morceaux choisis, gravures en hommage à Courbet, Ingres, Rodin, Cranach, réalisées par Duchamp quelques mois avant sa mort. C’était là une façon de brouiller les pistes chronologiques (mettre la fin de l’œuvre au début pour montrer la permanence du pictural) et les gestes (ready-mades, gravures, musée personnel portatif) en montrant que, sans que sa technique soit pour autant sollicitée, la peinture est partout, même derrière Fontaine, où était installé un tableau de Marsden Hartley ; la mise en scène de la pissotière aurait d’ailleurs mérité une exégèse complète soit dans l’exposition, soit dans le catalogue.

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Écrit par

  • : conservateur au musée d'Art moderne et contemporain de Genève

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