JACNO MARCEL (1904-1989)
Né à Paris, le 6 août 1904, le graphiste Marcel Jacno était le fils d'un immigré qui avait fui la Russie tsariste afin d'échapper au très long service militaire imposé par le régime. Timide, minutieux, il connut une réussite tardive, mais éclatante. Très doué pour le dessin, rebelle à tout enseignement, il accéda à la vie professionnelle sans avoir suivi le moindre apprentissage.
Engagé vers 1926-1927 dans une imprimerie spécialisée dans la fabrication de plaques de rues et de panneaux de circulation, il travailla sous la direction d'un peintre en lettres qui – écrit-il dans son autobiographie, Un bel avenir (M. Nadeau / Papyrus, 1981) – lui « expliqua les subtilités formelles de l'alphabet ». Cette première expérience devait orienter ses choix de façon décisive, après quelques incursions peu convaincantes dans le domaine de l'affiche. Il réalisa, en effet, pour Gaumont, quelques affiches et des annonces marquées par l'influence expressionniste (Lulu, de Pabst, avec Louise Brooks, La Valse des adieux avec Pierre Blanchard, des films de Charlie Chaplin...).
Mais ces commandes arrachées à la célèbre société de production furent pour lui décevantes car elles restèrent sans lendemain. Et lorsqu'il découvrit, dans le hall du célèbre cabaret Le Bœuf sur le toit, un panneau argenté sur lequel figurait l'alphabet Bifur, créé par Cassandre pour la fonderie Deberny-Peignot, il comprit que la lettre pouvait être un objet de création. Ses travaux épisodiques au service du cinématographe trouvèrent un aboutissement singulier, puisqu'ils lui donnèrent l'idée de créer un caractère original - le Film (1934), immédiatement accepté par Deberny-Peignot.
À la suite de ce premier alphabet, il inventa le Scribe (1936), le Jacno (1948), l'Hippocrate (1950), le Brantôme (1951)... et, enfin, le Chaillot (1951), qui porte le nom du lieu où officiait le Théâtre national populaire.
La création d'un caractère procède tout autant d'une suite de calculs que d'une réalisation graphique. Le dessin de chaque lettre doit tenir compte de celui des vingt-cinq autres afin de permettre l'organisation d'ensembles satisfaisants pour l'œil. Ce travail minutieux impliquait un repliement sur soi qui correspondait bien au tempérament de Jacno. Cette longue fréquentation de la lettre devait déterminer le style de l'affichiste qu'il allait redevenir, et avec quelle originalité ! Cet art de la lettre, il l'avait également savouré en connaisseur, lors d'un séjour à New York en 1938, où il admira les enseignes. Là, les inscriptions « n'étaient pas peintes comme chez les Méditerranéens », mais « étaient de superbes sculptures typographiques ». Dans la grande ville américaine, il retrouva Cassandre et fit la connaissance du précurseur du design, Raymond Loewy, qui, entre autres multiples réalisations, renouvela la présentation du paquet de cigarettes Lucky Strike. En dessinant le nouveau paquet de Gauloises caporal, en 1946, Marcel Jacno devint, sans pour autant obtenir la notoriété auprès du grand public, l'auteur d'une œuvre graphique signée dont les tirages restent insurpassés à ce jour en France : 70 millions d'exemplaires mensuels ! L'emballage et l'étiquette deviennent alors ses terrains d'élection : il travaille pour Révillon, Harriet Hubbard Ayer, Courvoisier, Guerlain, crée des couvertures de collection pour des éditeurs – Plon, Denoël –, couvertures qui contribueront à renouveler l'image de marque de ces entreprises.
En 1951, il rencontre Léon Gischia, qui créait pour Jean Vilar des costumes et des éléments scéniques, dans le cadre des activités du Théâtre national populaire. Léon Gischia, à qui on avait tout naturellement demandé de réaliser des affiches, proposa le travail à Marcel Jacno qui, cette[...]
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Écrit par
- Marc THIVOLET : écrivain
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