JOUHANDEAU MARCEL (1888-1979)
Jouhandeau entre le ciel et l'enfer
On comprend qu'une partie imposante de l'œuvre de Jouhandeau soit d'un moraliste : Algèbre des valeurs morales, Éléments pour une éthique, Éloge de la volupté, De l'abjection. C'est que le christianisme, et le moins affranchi, a fortement marqué le jeune Théophile (La Jeunesse de Théophile, 1921) et se l'est attaché par l'intermédiaire de tout l'apparat sensuel dont il s'entoure : ors des ciboires ou des chasubles, parfum de l'encens, pompes du culte, voluptés des cantiques et de l'harmonium. Si bien qu'il n'est de vie possible pour Jouhandeau que s'il se donne l'illusion – au besoin érigée en système – de concilier les exigences de sa foi – indéniable – avec celles de sa chair et de son orgueil. D'où une éthique fondée sur l'interprétation hasardeuse des textes sacrés, composé « imprudent » (selon les spécialistes) de morale purement païenne et de « poésie » catholique. Cet équilibre instable, cette nécessité constante de danser sur la corde raide permettent à Jouhandeau d'exercer les subtilités de sa casuistique, qui ne sont pas sans charme pour le lecteur. Jouhandeau est lié à Dieu, comme Dieu s'est compromis avec lui, par l'acte même de la création. Son œuvre n'a pas cessé de se présenter, de Monsieur Godeau intime (God = Dieu) jusqu'aux Journaliers, comme un monologue d'égal à égal avec Dieu, qui prend quelquefois les allures d'un superbe défi. Car, plus encore que la « surprise d'exister » à laquelle J. Dupont identifiait naguère Jouhandeau, ce qui définit M. Godeau, c'est bien l'« idolâtrie de soi » qu'A. Loranquin exposait en mai 1979 dans Le Bulletin des Lettres.
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Écrit par
- Jeannine ETIEMBLE : docteur en littérature française, maître assistant à l'université du Maine, Le Mans
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