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ODENBACH MARCEL (1953- )

Artiste plasticien et vidéaste allemand, Marcel Odenbach est né en 1953 à Cologne. Après des études d'architecture, d'histoire de l'art et de sémiologie, il se fait connaître à partir de 1976 par son travail avec la vidéo. En 1992, il est nommé professeur à l'École supérieure des beaux-arts à Karlsruhe.

Les performances vidéo qu'il réalisa de 1976 à 1981 lui permirent d'expérimenter plusieurs données essentielles qui nourriront son travail ultérieur : la mise en jeu de son propre corps dans un dispositif scénographique à structure formelle ritualisée et la confrontation dramatisée de lui-même (en direct et avec tous les effets de tensions et de violence contenue que cela implique) avec le public d'une part et l'image électronique sur moniteur de l'autre.

On retrouvera ces diverses orientations dans ses installations et dans ses bandes vidéo, à partir de 1976-1977 à 1989. Dans l'une et l'autre de ces pratiques, Odenbach met en œuvre un dispositif de confrontation — plutôt conflictuelle — entre l'individu (lui, l'artiste, le corps — regardant, marchant, courant, agissant comme témoin et comme prisonnier) et la société représentée dans ses manifestations de masse et sous ses formes culturellement identifiables : la violence médiatisée par la télévision, les meurtres scénographiés par le cinéma hollywoodien, la discrimination raciale (Keep in View, fondation De Appel, Amsterdam, 1993), la mémoire douloureuse transmise par les images d'archives des films de guerre sur l'Allemagne nazie, l'obscénité de films pornographiques anonymes, les grands rituels et stéréotypes de la culture bourgeoise comme la musique symphonique ou l'opéra, l'exotisme, le culturisme, les ors de Versailles, etc. Et cette confrontation, Odenbach l'organise à partir de structures formelles impérieuses, parfois obsessionnelles, jouant tout à la fois des figures de la répétition (la mise en boucle, le ressassement jusqu'à l'exacerbation ou l'hypnose) et de l'éclatement, de l'écartement, de la division.

Ainsi, dans les installations, cet écartèlement est-il celui de la séparation des moniteurs entre lesquels se trouve pris le spectateur : Dans la vision périphérique du témoin, réalisée pour le Centre Georges-Pompidou en 1987, les deux bandes croisées (chiasme) défilent en même temps sur deux moniteurs situés en vis-à-vis sur les côtés opposés d'une grande pièce, de telle façon que le fait de regarder l'un implique l'impossibilité de voir — mais non d'entendre — l'autre, ce qui met le spectateur dans une relative posture de déchirement, ou d'impossible torsion, symbolisée par le fauteuil de type « conversation » qui trône au centre de la salle. La réunification de l'Allemagne, la réutilisation d'un monument nazi berlinois comme mémorial « des victimes du fascisme et du militarisme » forment les éléments d'une mise en scène dialectique du passé et du présent de l'installation intitulée Quand le mur s'approche de la table (Fundacio Joan Miró, Barcelone, 1992).

Dans les bandes vidéo elles-mêmes, cette fonction séparatrice s'exerce le plus souvent sous la forme technique du volet électronique : un « bandeau central » divise violemment l'image en trois zones (trois images en une) jouant de toutes sortes de relations : appel, rejet, analogie, contradiction, chevauchement, contraction, symétrie, inversion, etc. Cette violence visuelle se double d'ailleurs d'une violence sonore par le martèlement systématique qu'offre la bande son.

Cet univers plastique, composé d'auto-représentation du sujet singulier et d'immersion dans la culture historique et sociale, à travers des dispositifs formels forts, est d'une grande rigueur intellectuelle et d'une cohérence émotionnelle[...]

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Écrit par

  • : enseignant-chercheur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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