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PAGNOL MARCEL (1895-1974)

L'écrivain au cinéma

Il faut encore observer que cette technique dramatique a beaucoup servi, à partir de 1931, l'auteur de films. Le cinéma, avec sa grande mobilité, ses raccourcis, son indépendance à l'égard du temps et de l'espace, absorbe plus facilement les « scènes à faire » que le théâtre. Mais il est clair qu'un autre souci, plus profond, plus impérieux, a conduit Marcel Pagnol vers l'expression cinématographique. Un bon scénariste doit posséder deux talents pas toujours réunis : il doit avoir à la fois le sens du récit et celui des dialogues ; il doit être en même temps romancier et auteur dramatique. Inversement, un écrivain né aux alentours de 1900, et qui ressentait le désir d'utiliser ces deux techniques, devait fatalement se mettre à écrire pour le cinéma.

On a souvent reproché à Marcel Pagnol d'avoir fait, au cinéma, du « théâtre filmé ». C'est peut-être vrai pour la mise en images de ses deux pièces marseillaises. C'est faux de films comme Angèle, Regain, et encore de La Femme du boulanger. Dans ce dernier, tiré d'un conte de Jean Giono, Marcel Pagnol adopte, une fois de plus, le sujet d'une fable. Un nouveau boulanger s'installe dans un village provençal. (Il pourrait être berrichon ou savoyard.) Au bout de quelques semaines, son épouse, plus jeune que lui, et probablement insatisfaite, s'éprend d'un berger des environs et s'enfuit avec lui. Dès lors, le boulanger cesse de cuire le pain : il ne rallumera son four, dit-il, que lorsque sa femme lui sera revenue. Alors, tout le village se met à la recherche de l'infidèle. Bien entendu, on la retrouve, elle réintègre le logis conjugal, et le pain recommence à dorer dans la boulangerie. Fable amère, on le voit, où la tradition paysanne triomphe, mais sans gaieté. De ce conte, Marcel Pagnol a fait une œuvre admirable, pleine de tendresse, d'amertume et d'humanité. Ici encore, la peinture des caractères (et leur affrontement) prend le pas sur l'histoire. Ici encore, Raimu donne un éblouissant exemple de son immense talent.

En 1957, La Gloire de mon père, premier volume des souvenirs d'enfance, a connu un succès foudroyant. Deux autres volumes ont suivi : Le Château de ma mère (1958) et Le Temps des secrets (1960), pour composer une nouvelle trilogie. Marcel Pagnol y fait revivre quelques personnages drôles et attachants, comme son père et son oncle Jules. Il y décrit, avec cet amour malicieux qui ne s'est jamais démenti sa vie durant, les petites gens de Provence, les villages et les collines qui s'élèvent à l'est de Marseille. Un quatrième volume, Le Temps des amours, paru en 1977, posthume donc, rapporte des souvenirs d'adolescence qui retrouvent, non sans bonheur, le climat de Pirouettes. C'est ainsi que la boucle d'une œuvre se referme parfois.

De l'œuvre de Marcel Pagnol, la partie qui se présentait comme la plus éphémère, la partie cinématographique, a fort bien résisté à l'épreuve du temps. Peu de films tournés entre 1930 et 1935 ont gardé autant de fraîcheur que sa trilogie, Angèle ou Regain. Ce « théâtre filmé », longtemps dédaigné par des critiques pointilleux, a finalement donné plusieurs « classiques » de l'histoire du cinéma. Marcel Pagnol est mort à Paris, le 18 avril 1974. Il est enterré dans le hameau de La Treille, près d'Aubagne, au pied de ces collines qu'il n'avait jamais réellement quittées.

— Jacques BENS

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