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BERTHELOT MARCELIN (1827-1907)

Marcellin Berthelot - crédits : C Gerschel/ Hulton Archive/ Getty Images

Marcellin Berthelot

Comblée d'honneurs, la carrière de Berthelot se développe dans l'âge du positivisme bourgeois, dont il demeure l'une des figures les plus écrasantes. Pontife du scientisme conquérant, il a exercé en France, à la fin de sa vie, un magistère quelque peu abusif sur le sort de la recherche et de l'enseignement scientifiques. Travailleur infatigable et désintéressé, son activité a débordé la chimie pour s'étendre à des domaines aussi divers que l'archéologie ou la politique. De son œuvre, qui remplit quelque 1 600 publications, deux thèmes scientifiques majeurs se détachent, la synthèse organique et la thermochimie. S'il n'est pas le premier chimiste organicien à avoir combattu les partisans de la « force vitale », c'est lui qui, en revanche, autant par ses synthèses (en particulier la synthèse totale de l'acétylène) que par ses écrits doctrinaux, les a réduits au silence.

L'objet de la chimie

Bachelard notait dans le Matérialisme rationnel que « le chimiste pense et travaille à partir d'un monde recommencé ». Sa tâche, c'est d'abord d'isoler artificiellement dans la nature les corps auxquels il lui faut donner un statut de pureté suffisante, les reconstituer, selon un parcours qui rejoint la synthèse créatrice d'espèces nouvelles. Quand Laurent écrit, en 1854, que « la chimie d'aujourd'hui est devenue la science des corps qui n'existent pas », il invoque la création d'un réseau de relations factices, qui ne sont pas dans la nature, mais qui fondent la science même. Ébloui par le pouvoir de la chimie de « former de toutes pièces et métamorphoser les uns dans les autres les êtres dont elle s'occupe », Berthelot valorise les données empiriques et ce qu'il appelle la « science positive », contre les prétentions de la « science spéculative [...] constructions imaginées par l'esprit humain pour se représenter les choses ». Il borne la science par des barrières dogmatiques qu'il lui arrivera pourtant de franchir. Il se défie des « symbolismes abrégés » et des formules qui ne « fournissent qu'une idée incomplète et mutilée » de la constitution des corps. Or cet ennemi des hypothèses hasardées récuse la légitimité des représentations au nom d'une imagination de l'énergétique intime de la matière qu'il n'était pas en mesure de valider : ce qu'il reproche aux formules, c'est de ne figurer qu'un « état statique » et non « dynamique » des corps ; incapables dès lors d'exprimer « les relations qui existent entre les mouvements des particules primitives et les mouvements des particules complexes qui en résultent ». Ainsi, son exigence d'un modèle impossible le prive de l'instrument fécond qui permettra le développement de la chimie structurale.

La méfiance de Berthelot à l'égard des représentations symboliques est directement liée à son refus de la théorie atomique dont Wurtz se faisait l'apôtre en France. Dans une controverse (1877), il taxe de « conception mystique [...] la combinaison d'un atome avec lui-même ». Vers 1890 seulement, il cédera au consensus des chimistes et adoptera les nouvelles notations, cessant de s'isoler dans une chimie organique à lui. Mais, auparavant, il avait employé sa grande autorité à préserver les écoles des idées modernes. Grâce à quoi la pédagogie de la chimie élémentaire demeurera longtemps en France engagée dans le système abstrait des équivalents.

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