MENÉNDEZ Y PELAYO MARCELINO (1856-1912)
Du nationalisme à l'humanisme
Si La Science espagnole est surtout un pamphlet, discutable, mais profondément significatif du « complexe culturel » dont souffre alors l'Espagne, l'Historia de los Heterodoxos, publiée de 1880 à 1882, établit définitivement la réputation de l'écrivain. Dans ses trois gros volumes, il fait le relevé de toutes les déviations de la pensée religieuse espagnole. Une telle somme ne pouvait être écrite que par un auteur se souciant peu d'une approche véritablement « critique » des doctrines exposées. Menéndez y Pelayo ne cherche pas à comprendre et encore moins à justifier d'un point de vue historique, social ou même psychologique la série monotone des « errements » que sont pour son esprit militant les diverses hérésies ou déviations. Seuls trouvent grâce à ses yeux les écrivains qui par un heureux privilège sont restés « espagnols » de cœur et surtout de style. Ainsi s'explique sa relative compréhension dans le cas d'un Juan de Valdés ou d'un abbé Marchena. Passionné de la Renaissance, Menéndez y Pelayo porte toujours une grande admiration aux auteurs qui ont su garder intact l'héritage classique, en particulier celui d'Horace. Ici encore se manifeste son nationalisme culturel. Plus que les « hérétiques » de toutes sortes, il blâme les auteurs dont la pensée ou le style lui semblent un reflet des grandes cultures européennes non latines. La pensée libérale est moins condamnée comme telle que comme pensée sans racines dans le sol hispanique. Malgré le parti pris de l'auteur, franchement étalé, malgré ses jugements abrupts, Les Hétérodoxes, dont certaines appréciations seront plus tard nuancées dans les notes, restent une œuvre incomparable et d'influence idéologique durable.
Malheureusement, ce fut l'aspect militant de cette œuvre qui valut plus tard à Menéndez y Pelayo le discutable honneur de devenir la référence idéologique officielle de la culture nationale au lendemain de la guerre civile. Œuvre de jeunesse et de combat, l'Histoire des Hétérodoxes est loin de constituer le plus solide fondement de sa gloire. Conservateur en politique et en religion, Menéndez y Pelayo fera preuve d'un goût très sûr et d'un remarquable sens critique en matière de littérature. La série de ses travaux : Horacio en España (1877), Calderón y su teatro (1881), Historia de las ideas estéticas (de 1883 à 1891), édition de l'œuvre de Lope de Vega (de 1892 à 1902), Antología de poetas líricos (de 1890 à 1908), Antología de poetas hispanoamericanos (de 1893 à 1895), Orígenes de la novela (de 1905 à 1910), instaure dans toute son ampleur l'histoire de la littérature espagnole. Aucun domaine de la littérature classique n'a échappé à sa recherche. Qu'il s'agisse de La Célestine, de Don Quichotte, des Mystiques ou de la Picaresque, Menéndez y Pelayo impose une image à la fois novatrice et profonde, dont l'herméneutique postérieure a dû tenir compte. Toutefois, son goût classique le rend incompréhensif envers Luis de Góngora et aussi envers le monde baroque en général. Pedro Calderón ne s'impose à lui que tardivement. Sa découverte de la poésie populaire ainsi que l'acceptation du lyrisme moderne sont aussi tardives. L'horizon critique de Menéndez y Pelayo s'est élargi sans cesse. Rien ne contribuera plus à la modération et à l'ampleur de ses jugements que les recherches d'histoire de l'esthétique qu'il mène parallèlement à ses recherches littéraires. Elles aboutiront à son ouvrage capital : l'Histoire des idées esthétiques en Espagne, malheureusement incomplet. Ses cinq volumes constituent seulement une introduction. Croce les tenait en haute estime. L'étude de l'esthétique allemande, en particulier celle de Hegel, rend Menéndez y Pelayo[...]
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Écrit par
- Edouardo DE FARIA : licencié de philosophie, lecteur à la faculté des lettres de Nice
Classification
Autres références
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ROMANCERO
- Écrit par Daniel DEVOTO
- 2 862 mots
...textes conservés : il en compte dix-sept, entre 1421 et 1508. Ces pièces ouvrent la période dite du romancero viejo, et ces romances sont, d'après Menéndez y Pelayo, d'abord « ceux dont l'existence au xve siècle appert de façon positive », suivis des écrits identiques imprimés dans la...