MASTROIANNI MARCELLO (1924-1996)
La vedette
Bien que déjà « vedette invitée », en compagnie de Totò, auprès de Vittorio Gassman dont c'était le premier rôle comique, sur I soliti ignoti (Le Pigeon, 1958) de Mario Monicelli, Marcello Mastroianni accède réellement à la célébrité en 1960, avec l'extraordinaire succès que connaît La dolce vita (La Douceur de vivre) de Federico Fellini, dans lequel il incarne un journaliste mondain et viveur. Il deviendra, au fil d'une collaboration complice, le double ou l'alter ego du metteur en scène, principalement dans 8½ (Huit et demi, 1962), mais aussi dans La città delle donne (La Cité des femmes, 1980) et dans Ginger et Fred (1986). Il s'impose en même temps aux yeux du public comme l'incarnation idéale du séducteur latin. Or il a horreur de cette image qui « ne [lui] appartient pas », d'autant qu'il ne s'est jamais trouvé beau.
Fort de la liberté acquise avec La dolce vita, et désireux d'explorer, par jeu, des voies diverses, Marcello Mastroianni n'a de cesse, sous la direction des plus grands (Michelangelo Antonioni, Mauro Bolognini, Luigi Comencini, Marco Ferreri, Pietro Germi, Alberto Lattuada, Mario Monicelli, Elio Petri, Dino Risi, Ettore Scola, Paolo et Vittorio Taviani, Luchino Visconti et Valerio Zurlini), mais aussi d'autres cinéastes de moindre notoriété (Sergio Corbucci, Luigi Magni, Antonio Pietrangeli, Marco Vicario...), de casser cette image, au risque de s'aliéner les faveurs du public. Il le fait par le recours à l'enlaidissement, au ridicule, ou bien en soulignant la faiblesse de caractère de ses personnages, généralement veules, coléreux et velléitaires, ou leur statut social impopulaire (officier bravache, nobliau décadent, jésuite tyrannique), ou encore en entreprenant de subvertir ce pouvoir de séduction (célibat, impuissance, homosexualité).
De cette entreprise de « démolition », quasi unique dans les annales du cinéma, les acteurs étant à l'inverse plutôt préoccupés de la préservation de leur image, témoignent des œuvres comme Il bell' Antonio (Le Bel Antonio, 1960) de Mauro Bolognini, L'assassino (L'Assassin, 1961) d'Elio Petri, Divorzio all'italiana (Divorce à l'italienne, 1961) de Pietro Germi, Cronaca familiare (Journal intime, 1962) de Valerio Zurlini, I compagni (Les Camarades, 1963) de Mario Monicelli, Break up (1964) de Marco Ferreri, Dramma della gelosia (Drame de la jalousie, 1969) d'Ettore Scola, La moglie del prete (La Femme du prêtre, 1970) et Mordi e Fuggi (Rapt à l'italienne, 1972) de Dino Risi, La Grande Bouffe (1973) de Marco Ferreri, Allonsanfan (1974) des frères Taviani, Todo Modo (1976) d'Elio Petri, ou Una giornata particolare (Une journée particulière, 1977) d'Ettore Scola. L'« internationalisation » de sa carrière, en dépit de son refus des propositions américaines, qui l'a amené à tourner avec Louis Malle, John Boorman, Roman Polanski, Jacques Demy, Théo Angelopoulos ou Nikita Mikhalkov, ne l'a pas détourné de cette volonté. Cependant, rien n'y a fait. L'entreprise de « sabotage » comme le « poids des ans » n'ont pu altérer son image, ni sa popularité.
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Écrit par
- Alain GAREL : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma
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