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MARCHÉ, économie

Marchés et institutions

Le marché parfait des économistes est donc, paradoxalement, un système extrêmement organisé, avec des règles très précises (dictées par le commissaire-priseur). Rien n'empêche, évidemment, d'envisager une situation sans règles (si ce n'est le caractère volontaire des échanges), où chacun fait ce qu'il veut, comme bon lui semble. Mais le théoricien ne peut alors qu'avouer son impuissance : il ne peut pas dire grand-chose, si ce n'est qu'il va y avoir une succession d'échanges dont l'issue dépend de l'ordre de rencontre des candidats à l'échange et de leur pouvoir de négociation. S'il se tourne vers la réalité qui l'entoure, il constate qu'elle est fort éloignée – sauf cas particuliers – de cette situation de négociation généralisée. Pour plusieurs raisons. D'abord, il y a le temps et les ressources absorbés par ce processus : temps de recherche de ceux qui ont intérêt à faire des échanges (l'existence d'une monnaie acceptée de tous facilite beaucoup les choses), temps de négociation, stockage des biens ne trouvant pas preneur, etc. Ensuite, il y a les diverses procédures ou accords (implicites ou explicites) destinés à éviter de trop fortes fluctuations de prix. En effet, des prix variant au jour le jour, comme à la Bourse, rendent difficile tout calcul économique à moyen ou long terme, au point de paralyser les décideurs autres que les spéculateurs. Enfin, il y a les règles mises en place pour éviter les blocages qui peuvent résulter de l'asymétrie d'information (des échanges bénéfiques n'ont pas lieu car une partie se méfie de l'autre, mieux informée qu'elle), pour prévenir des guerres de prix meurtrières (lorsqu'il y a, par exemple, plusieurs producteurs d'un même bien) ou la domination de certains sur d'autres, pour protéger les consommateurs, etc.

Les économies dites de marché comportent donc, inévitablement, des systèmes de réglementations, des instances collectives (comme les syndicats), des organismes de contrôle et de régulation (pour, par exemple, préserver la concurrence ou éviter les fraudes), qui participent tous à la formation des prix, en leur assurant une certaine stabilité. On constate également l'existence d'une forme d'organisation au moins aussi importante que le marché : l'entreprise, où les relations sont de type hiérarchique ou coopératif – sans intervention, donc, de prix. Les coûts, dits de transaction, inhérents à l'établissement d'un système de prix (par marchandage ou par un autre moyen, de type contractuel par exemple) et à la recherche de partenaires, n'y ont pas de raison d'être (Ronald Coase a tout particulièrement attiré l'attention sur l'importance que peuvent avoir les coûts de transaction). Ainsi, lorsqu'une entreprise absorbe un de ses fournisseurs, ce genre de coût disparaît, mais il y a augmentation des coûts inhérents à l'organisation de l'entreprise – du fait de son élargissement. Le contraire arrive, évidemment, lorsqu'une entreprise décide de confier à d'autres certaines de ses activités (comptabilité, entretien des locaux et du matériel, etc.). La frontière entre ces deux types d'organisation que sont le marché et l'entreprise peut donc varier dans le temps et l'espace, au gré des circonstances.

— Bernard GUERRIEN

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  • : maître de conférences à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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