MARCHÉS DE DROITS À POLLUER
Un marché de droits à polluer, encore appelé marché de permis négociables, est un instrument économique de politique environnementale qui vise à limiter le niveau global de rejets polluants en répartissant les coûts à supporter pour respecter cette contrainte de manière efficace.
L'idée de marché de permis négociables est née à la fin des années 1960, à la suite des travaux de Ronald Coase (Prix Nobel d'économie en 1991) sur les effets externes et de John Dales sur les droits de propriété pour l'usage de biens environnementaux. Cette idée fut partiellement expérimentée quelques années plus tard, aux États-Unis, sous la forme de dispositifs permettant la réaffectation entre entreprises de limites d'émissions de gaz polluants. Mais ce n'est qu'à partir de la fin des années 1980 que de véritables marchés de permis négociables sont mis en place, dans le cadre de la politique américaine de lutte contre la pollution atmosphérique. Le plus important a été développé à partir de 1995, dans le cadre du programme concernant les pluies acides (Acid Rain Program), pour réduire les émissions de dioxyde de soufre (SO2) des centrales de production d'électricité. Ce polluant atmosphérique acidifie les eaux de pluies, ce qui entraîne le dépérissement des forêts, l'érosion des matériaux et l'acidification des sols et des eaux douces. L'objectif de ce marché était de parvenir à réduire significativement les émissions de SO2 des centrales électriques situées sur le territoire américain.
L'Union européenne a également choisi cet instrument afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (G.E.S.) d'industries grandes consommatrices d'énergie (sidérurgie, cimenterie, papeterie, production d'électricité, etc.), dans le cadre de son programme de lutte contre le changement climatique. Le système communautaire d'échange de permis d'émissions de G.E.S. a débuté en 2005 et couvre plus de 10 000 installations localisées dans les pays membres de l'Union et qui sont à l’origine de près de 40 p. 100 de leurs émissions de G.E.S. Quel que soit le polluant couvert, les principes de fonctionnement d’un système de permis négociables restent les mêmes. Dans un premier temps, les autorités publiques choisissent la quantité globale de rejets polluants qu'elles autorisent sur un territoire et une période donnés, et créent une quantité équivalente de permis qu'elles distribuent, gratuitement ou non, aux entités polluantes implantées sur ce territoire. Ces dernières ont alors l'obligation de posséder une quantité de permis suffisante pour couvrir leurs rejets polluants.
L'originalité du dispositif, le marché proprement dit, vient de la possibilité pour les acteurs concernés de s'échanger les permis. De ces échanges résulte un prix de marché qui confère à la pollution un coût d'opportunité (manque à gagner) ou un coût direct, selon que les permis ont été distribués gratuitement ou non : dans le premier cas, lorsqu'une entreprise utilise ses permis pour couvrir ses rejets polluants, elle se prive de la possibilité de les vendre sur le marché ; dans le second, elle supporte directement un coût en devant acheter des permis lorsqu'elle pollue. Les entreprises comparent alors les coûts qu'elles supporteraient si elles diminuaient leur pollution (en développant ou en adoptant de nouvelles technologies moins polluantes, en réduisant leur production, etc.) aux revenus qu'elles percevraient si elles vendaient les permis que la baisse des rejets a libérés ou aux économies qu'elles réaliseraient en évitant de devoir acheter de nouveaux permis. Pour les entreprises dont les coûts de dépollution sont faibles, il est intéressant de réduire les rejets polluants et de vendre les permis non utilisés. À l'inverse, celles qui supportent des coûts élevés préfèrent acheter sur le[...]
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Écrit par
- Stéphanie MONJON : maître de conférences à l'université Paris-Dauphine
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