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FERRERI MARCO (1928-1997)

Les films de Marco Ferreri sont réputés scandaleux. Or, le seul qui ait réellement fait scandale, ou du moins irrité certains, est La Grande Bouffe (1973), qui reste paradoxalement son plus grand succès commercial. En réalité, si l'œuvre peut choquer, c'est que le cinéaste y livre une vision de l'humanité qui n'est guère flatteuse. En outre, il le fait sur un ton généralement qualifié de cynique et de provoquant, qui est en fait l'expression d'un « humaniste à ce point frustré par sa perception de la société que son art ne peut que s'approcher de l'absurdité » (Rob Edelman, in The International Dictionary of Films and Filmmakers, vol. II, Firethorn Press, Londres, 1984).

A priori, les films de Marco Ferreri ne sont pas si dissemblables de ceux des grands maîtres de la comédie italienne – Luigi Comencini, Mario Monicelli et Dino Risi ; ce sont aussi des critiques sociales où se mêlent la farce et le tragique, le comique et le pathétique. Toutefois, par-delà la lucidité du constat, l'acuité du regard, le mordant du discours, il subsiste chez ces cinéastes un espoir qui s'enracine dans la confiance en l'homme et dans son aptitude au changement, ses capacités à la prise de conscience. Rien de tel chez Marco Ferreri dont le pessimisme confine au nihilisme.

La quasi-totalité de ses films repose sur un scénario très simple, linéaire, construit sur l'obsession qui gouverne un individu, ou un groupe d'individus, et qui le mène, ou les mène, à l'autodestruction, parfois dans la folie, le plus souvent dans la mort, via, généralement, le suicide. À travers cette crise de l'individu, Marco Ferreri trace un portrait en creux de la société contemporaine. Car il se distingue radicalement de ses congénères, avec Michelangelo Antonioni, mais dans une autre perspective, dans la mesure où ses fables débordent le cadre apparent d'une société parfaitement définie (L'Espagne et l'Italie, voire la France et les États-Unis) pour considérer l'espèce humaine en son entier. Ferreri livre en effet des apologues sarcastiques sur la société occidentale qui se résume à un monde décadent débouchant sur le vide, qui s'apparente à une Rome contemporaine sombrant dans le chaos dans l'attente des nouveaux barbares. Chaos auquel seule la femme, porteuse d'espérances de par sa relation privilégiée à la nature, semble échapper. Cependant, son approche de ce « monde de la fin » ne se réduit pas à une simple dénonciation. Dans ses meilleurs moments, elle revêt au contraire la précision d'un document ethnologique.

Marco Ferreri est né le 11 mai 1928 à Milan (Italie). Après avoir entrepris des études vétérinaires et avoir été représentant en spiritueux, il commence sa carrière cinématographique en réalisant des courts-métrages publicitaires. À la fin des années 1940, il s'installe à Rome où, en 1951, il se lance dans la production avec un journal d'actualités filmées d'une conception originale, Documento mensile, auquel collaborent des cinéastes, des écrivains et des artistes tels que Michelangelo Antonioni, Vittorio De Sica, Luciano Emmer, Renato Guttuso, Alberto Moravia, Dino Risi, Luchino Visconti et Cesare Zavattini. Mais, faute de moyens financiers, il est obligé d'en arrêter la « publication » après deux ou, selon certaines sources, trois numéros. Il est alors directeur de production de quatre films, dont deux d'Alberto Lattuada : Il Cappotto (Le Manteau, 1952) et La Spiaggia (La Pensionnaire, 1953), tout en faisant de brèves apparitions, voire en tenant des rôles secondaires – il jouera dans une quinzaine de films, notamment dans La Spiaggia, dans Porcile (Porcherie) de Pier Paolo Pasolini (1969) et Touche pas à la femme blanche (1974).

En 1956, Marco Ferreri abandonne temporairement le cinéma. Il se rend en Espagne[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma

Classification

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