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GIORDANA MARCO TULLIO (1950- )

Marco Tullio Giordana est né à Milan le 1er octobre 1950. Il n'a que dix-neuf ans, le 12 décembre 1969, quand il est témoin de l' attentat terroriste, piazza Fontana à Milan, contre la Banca Nazionale dell'Agricoltura (dix-sept morts et quatre-vingt-huit blessés), qui marque le début de ce qu'on appellera bientôt la « stratégie de la tension ». Pendant plusieurs années, il s'est réveillé la nuit, hanté par le souvenir de cette journée. En 1971, il abandonne ses études de lettres et de philosophie, s'essaie à la peinture à Paris, connaît plusieurs expériences militantes. Il collabore à l'écriture du documentaire Forza Italia ! de Roberto Faenza (1978), qui attaque violemment le système étatique italien et dont Aldo Moro souligne lui-même la force politique dans ses écrits de captivité. Giordana réalise son premier long-métrage, Maudits, je vous aimerai ! en 1980. Portrait de sa génération, prise entre le terrorisme et la désillusion, ce premier film reçoit le léopard d'or au festival de Locarno. Le thème du terrorisme est à nouveau au centre de La caduta degli angeli ribelli l'année suivante, film qui s'achève par un meurtre. Le récit de tous les films de Giordana est fondé sur la mort violente : le destin tragique d'un policier fasciste en 1944 (Notti e nebbie, 1984), la mort des supporters de football au stade du Heysel (Appuntamento a Liverpool, 1987), l'assassinat de Pier Paolo Pasolini (Pasolini, mort d'un poète, 1995), celui du journaliste sicilien antimafia Peppino Impastato (Les Cent Pas, 2000), le suicide de l'un des protagonistes de Nos Meilleures Années en 2003, la mort en mer des immigrants clandestins naufragés en Méditerranée (Une fois que tu es né, 2005), l'exécution sommaire de Osvaldo Valenti et Luisa Ferida, un couple d'acteurs compromis avec le fascisme, (Une histoire italienne, 2008), et l'œuvre qui revient sur le traumatisme originel, Piazza Fontana (2012).

Il s'agit toujours de s'interroger sur la cause profonde de ces morts violentes, d'interroger à travers elle l'évolution de la société italienne, ses lâchetés et son courage, sa conscience même. Les films de Giordana s'articulent autour de ces questions. Le titre français de son film de 2008 (Sanguepazzo, en italien) résume avec simplicité toute son œuvre : Une histoire italienne. Depuis le néo-réalisme, le cinéma italien a eu pour sujet principal le pays même où il se créait, tant du point de vue historique que social, culturel ou moral. C'est ce qui a fait le succès de Nos Meilleures Années, une fresque de six heures conçue à l'origine pour la télévision et qui retrace trente-cinq ans de la vie de deux frères de 1966 à 2000. Ceux-ci commencent par partager les mêmes espoirs et les mêmes rêves. Nicola sera psychiatre, Matteo policier. Ils vivent, unis ou séparés, les inondations de Florence en 1966, les luttes antimafia en Sicile, les années de plomb, l'ouverture des asiles psychiatriques, les crises de la fin du siècle, mais aussi les parties de foot mythiques et les chansons populaires. Vie privée et changements historiques se mêlent, laissant une grande place aux sentiments. La principale qualité du film est justement une mélancolie tendre et lucide, souvent mêlée au sentiment du tragique, et qui attache le spectateur aux personnages. Les spectateurs italiens reconnaissaient chaque détail sans doute, mais, en dehors de l'Italie, le film a touché profondément, en France notamment, un public en principe moins capable d'identifier les signes de la mémoire collective du pays.

Les préoccupations morales et politiques n'empêchent pas Giordana d'être obsédé par la narration. Il aime raconter des histoires et il n'est pas surprenant que Nos Meilleures Années et Une histoire italienne aient été aussi des feuilletons[...]

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  • ITALIE - Le cinéma

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    ...au cinéma un grand nombre de sujets pour des films tournés à Naples, Palerme ou Bari (Tano da morire, 1997, de Roberta Torre ; I cento passi, 2000, de Marco Tullio Giordana ; Le conseguenze dell'amore, 2004, de Paolo Sorrentino ; Galantuomini, 2008, d'Edoardo Winspeare ; La siciliana ribelle...