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ERIKA MARÉE NOIRE DE L' (déc. 1999)

Le 12 décembre 1999, vers 6 heures, le Centre régional opérationnel de surveillance et de secours (CROSS) reçoit un appel de détresse de l'Erika. Ce pétrolier de moyen tonnage, alors à une trentaine de milles (50 km) de la pointe de Penmarc'h (Finistère), demande l'évacuation de ses vingt-six hommes d'équipage. Parti trois jours plus tôt de Dunkerque à destination de Livourne (Italie), il comporte quatorze cuves remplies de 31 000 tonnes de fioul lourd, appelé fioul no 2. Un nouveau message annonce une fissure énorme sur la coque et une forte gîte tribord. La veille, en début d'après-midi, dans des conditions météorologiques déjà très mauvaises, l'Erika avait fait état de difficultés (forte gîte), avant de déclarer la situation sous contrôle et de choisir Donges (Loire-Atlantique) comme port refuge.

Les opérations aéronavales de secours seront très délicates, en raison des rafales de vent et de l'état de la mer. L'équipage s'est réfugié près du château arrière et sur une chaloupe. L'hélitreuillage, avec l'unique Super Frelon de la Marine nationale, relayé par un Lynx, commence vers 8 heures et durera près de trois heures. À 8 h 9, le pétrolier commence à se briser en deux, la partie avant se dresse vers le ciel. Un tiers de la cargaison se déverse dans l'océan ; le reste se répartit dans les deux tronçons, qui continuent de flotter. Le puissant remorqueur Abeille Flandre s'efforce de contrôler la partie arrière qui dérive vers Belle-Île, cherchant à l'éloigner des côtes. L'avant coulera dans la nuit et l'arrière, le lendemain. Séparées d'une dizaine de milles, la poupe et la proue de l'Erika reposent par 120 mètres de fond au large de Belle-Île, avec 20 000 tonnes de fioul dans les soutes, dont une partie s'écoule en mer durant le naufrage.

Vingt et un ans après le naufrage de l'Amoco Cadiz (1978), l'incompréhension et le doute replongent la France dans le désarroi. Très vite, alimentées par des incohérences de communication, se développent des zones d'ombre portant sur tous les aspects : nature de la cargaison, état du bâtiment, responsabilités des intervenants, déroulement précis du drame dont des versions contradictoires seront fournies, etc. La multiplication et l'internationalisation des acteurs principaux constituent une première complication : affréteur français (TotalFina), qui décline toute responsabilité, pavillon maltais « de complaisance », armateur italien bien difficile à retrouver, société de classification également italienne, équipage et capitaine indiens... Apparaissent ensuite des dysfonctionnements dans la gestion de la crise par les autorités françaises. C'est ce que révèle, par exemple, un rapport rendu public le 28 mars 2000 par le Conseil économique et social. Le Cedre, l'organisme d'étude, de documentation et de recherche en matière de marées noires, déclare d'abord que le fioul libéré ne peut pas venir polluer les côtes ; le modèle de déplacement des nappes de Météo France, habituellement performant, donne des résultats imprécis, le fioul n'étant pas toujours visible en surface ; enfin, le plan Polmar Terre est apparu peu opérationnel, faute d'une coordination générale des moyens, éparpillés entre différentes administrations et organismes.

Malgré les barrages flottants et les opérations de pompage, peu efficaces, les premières nappes, souvent très fragmentées, atteignent les côtes à Noël, touchant 100 kilomètres du littoral de la Loire-Atlantique. Puis, inexorablement, la pollution s'étendra au Morbihan et à la Vendée. Le bilan est lourd. D'un point de vue écologique, sur environ 32 000 oiseaux mazoutés recueillis vivants, seuls 6 p. 100 environ ont pu être relâchés, le taux de survie restant inconnu.[...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences de la Terre, concepteur de la collection La Science au présent à la demande et sous la direction d'Encyclopædia Universalis, rédacteur en chef de 1997 à 2015

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