MARÉES NOIRES
Les noms des tankers Torrey Canyon, Amoco Cadiz, Exxon Valdez, Braer, Erika et Prestige retentissent comme autant de catastrophes ayant marqué l'opinion publique européenne depuis la fin des années 1960. À chaque fois se pose la question des risques inhérents au transport par voie maritime des hydrocarbures, sans parler des risques de pollution liés à l'exploration et à l'exploitation pétrolière en mer. Pourtant, depuis 1967, année du naufrage du Torrey Canyon, première grande marée noire dans les eaux européennes, des conventions internationales ont été signées, des réglementations ont modifié les conditions de navigation et de contrôle de la sécurité des navires pour limiter ces risques. Si, à l'échelle mondiale, les pollutions accidentelles majeures ont nettement diminué, elles laissent toujours derrière elles, lorsqu'elles se produisent, des traces qui mettent des années à s'effacer.
Les marées noires représentent en effet un véritable traumatisme pour les régions touchées. Elles ont un impact à la fois écologique, économique et sanitaire. Ces pollutions par déversement massif d'hydrocarbures sont des événements spectaculaires et tragiques, qui jalonnent l'histoire du transport maritime d'hydrocarbures. Sur le plan écologique, elles perturbent plus ou moins gravement les écosystèmes littoraux et marins, détruisent une grande partie de la faune et de la flore sur des centaines de kilomètres de côtes. Sur le plan économique, elles contaminent les produits de la pêche et de l'aquaculture pour des périodes de plusieurs mois à quelques années, nuisent à l'attrait des sites touristiques et entraînent de lourdes dépenses de nettoyage des côtes. Sur le plan sanitaire, elles libèrent dans l'environnement des produits cancérigènes par inhalation et par contact chez ceux, spécialistes et volontaires, qui se mobilisent pour faire disparaître leurs traces
Les causes
Du pétrole de toute provenance
Une étude de l'Académie nationale des sciences des États-Unis, publiée en 1975, démontrait que, sur les 6 millions de tonnes d'hydrocarbures annuellement déversés en mer à cette époque, 3,3 millions de tonnes (55 p. 100 du total) provenaient de rejets terrestres (industriels et urbains), 2,1 millions de tonnes (35 p. 100) des activités de navigation et 0,6 million de tonnes (10 p. 100) de suintements naturels. Parmi les rejets liés aux activités de navigation, 1,2 million de tonnes étaient issus des déballastages, autorisés ou illicites, et des eaux de lavage des citernes, et 0,3 million de tonnes (5 p. 100 du total) d'accidents de navigation, dont 0,2 million impliquant des navires pétroliers.
En 1991, R. B. Clark, auteur d'un ouvrage sur le sujet, fournit des pourcentages plus finement analysés mais sensiblement comparables : 49 p. 100 seraient dus aux rejets terrestres industriels et urbains, 28 p. 100 aux activités de la navigation (dont 5 p. 100 pour les accidents pétroliers, 11 p. 100 pour les déballastages et 12 p. 100 pour les déversements aux terminaux et offshore), 12 p. 100 aux rejets dans l'atmosphère et 11 p. 100 liés aux suintements naturels. Quelques grands accidents de plates-formes pétrolières (Ixtoc One, dans le golfe du Mexique en juin 1979, ou encore Deepwater Horizon en avril 2010) expliquent l'apparition d'un poste offshore dans les statistiques des activités de navigation.
Des progrès ont été enregistrés par la suite. Ainsi, selon le National Research Council des États-Unis, de 1990 à 1999, les déversements liés aux accidents de tankers ont été, en moyenne, de l'ordre de 100 000 tonnes par an pour cette période. Une étude, menée par l'Institut français du pétrole, recensant les déversements accidentels de plus de 700 tonnes ayant eu lieu de 1970 à 2000, montre une baisse marquée, en nombre d'accidents comme en tonnage[...]
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Écrit par
- Lucien LAUBIER : professeur émérite à l'université de la Méditerranée, Marseille
Classification
Médias
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