MARÉES VERTES
Depuis les années 1970, un nombre croissant de plages et de vasières de la côte bretonne sont envahies, du printemps à l'automne, par une prolifération de macro-algues vertes (ulves libres et entéromorphes fixées). Cette conséquence typique (phénomène dit d'eutrophisation) d'un enrichissement excessif des eaux côtières en substances nutritives, surtout azotées, nuit au tourisme et à la conchyliculture. Depuis 2009, il en coûte annuellement 800 000 euros pour ramasser 60 000 mètres cubes d'ulves. Le risque sanitaire causé par les émanations d'hydrogène sulfuré (H2S) provenant de la putréfaction de ces tonnes d'algues a été longtemps ignoré ou minimisé – malgré le décès d'un jogger en 1989, du coma d'un conducteur d'engin en 1999 et la mort d'un conducteur de camion d'algues en 2009. On a en fait pris réellement conscience de celui-ci depuis la mort de deux chiens en 2008 et celle d'un cheval en 2009.
En juillet 2011, la mort de trente-six sangliers en baie de Saint-Brieuc a aussi été attribuée, après autopsie, à l'inhalation d'H2S. Elle a donné lieu à une longue controverse, car des syndicats agricoles persistent à nier tout rôle des excès de fertilisation azotée agricole dans la prolifération des algues vertes. Déjà, en février 2011, les affiches de France Nature Environnement, montrant, dans le métro parisien, deux images d'accumulations d'algues vertes sur la côte bretonne (on parle de marées vertes) avaient provoqué un tollé médiatique du côté politique (indignation gouvernementale, plainte déposée par le président socialiste de la région Bretagne), comme du côté professionnel agricole et touristique. Or, depuis vingt-cinq ans, les études effectuées par Ifremer et le Centre d'étude et de valorisation des algues en baies de Saint-Brieuc, Lannion, Douarnenez, Concarneau et Brest ont montré que ces marées vertes résultent essentiellement de deux facteurs qui se conjuguent : un faible déplacement (confinement naturel) des masses d'eau peu profondes et un apport considérable de nitrate dans ces eaux depuis cinquante ans, lié au développement d'une agriculture intensive. Dans les sites naturellement confinés, les observations sur le terrain confirment en effet une bonne corrélation avec les apports printaniers et estivaux de nitrate par les rivières : par exemple, l'année sèche 2003 a été peu favorable aux marées vertes, alors que l'été pluvieux de 2007 et le bel automne qui a suivi ont induit une recrudescence exceptionnelle des marées vertes en automne.
Les modèles mathématiques d'Ifremer montrent que la seule façon de diminuer la biomasse d'ulves sur les plages est de réduire les apports de nitrate d'origine agricole. Il faudrait en fait ramener la concentration moyenne en nitrate des rivières bretonnes à moins de 10 milligrammes par litre, alors qu'elle est aujourd'hui de 30 milligrammes par litre, ce qui constitue un véritable défi pour l'agriculture et la société. Rappelons que, il y a un siècle, cette concentration dans les rivières ne devait pas dépasser 2 ou 3 milligrammes par litre, une concentration déjà dix fois supérieure à celle des eaux marines du large.
Le plan algues vertes du gouvernement, lancé en février 2010 et doté de 164 millions d'euros sur cinq ans, a permis en septembre 2011, en baie de Lannion, la signature par le préfet de la région du premier des huit projets prévus de bassins versants à très basses fuites d'azote (le second ayant été signé à Saint-Brieuc le 7 octobre 2011). Celui-ci prévoit notamment d'abandonner le maïs-fourrage au profit de l'herbe sur les 170 exploitations agricoles du bassin versant. Dans la pratique, cela implique de porter à 60 p. 100 en 2015 (contre 47 p. 100 en 2007) la part des prairies dans la surface[...]
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Écrit par
- Alain MENESGUEN : directeur de recherche à l'Ifremer, Brest
Classification
Autres références
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ALGUES
- Écrit par Bruno DE REVIERS
- 4 869 mots
- 9 médias
...pélagiques, résultant de conditions environnementales particulières associées à un enrichissement des eaux par des pollutions d'origine agricole, ont conduit au phénomène des « marées vertes ». Certaines microalgues sont extrêmement toxiques et peuvent avoir des effets fâcheux sur la conchyliculture ou la consommation... -
CROISSANCE, biologie
- Écrit par Encyclopædia Universalis , André MAYRAT , Raphaël RAPPAPORT et Paul ROLLIN
- 14 760 mots
- 7 médias
...de circonstances extérieures favorables (température de l'eau assez élevée, éclairement suffisant, présence de nutriments minéraux, tels les nitrates). Le développement est alors saisonnier et son caractère opportuniste le rend volontiers « explosif » : ce sont les « marées vertes », éphémères....