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EDELMAN MAREK (1919-2009)

Marek Edelman était le dernier survivant des cinq membres de l'état-major de l'insurrection du ghetto de Varsovie. De sa vie avant son enfermement dans le ghetto, on sait peu de chose. Ses parents sont morts quand il était enfant. Ses papiers officiels ont été perdus pendant la guerre. Né à Gomel (aujourd'hui en Biélorussie) à une date incertaine (probablement en janvier 1919), il resta fidèle jusqu'à sa mort aux idéaux d'une mère bundiste. De son adhésion aux organisations de jeunesse puis au parti socialiste juif créé à Vilna (Vilnius) en 1897, il conserva la certitude que les Juifs devaient demeurer dans le pays où ils vivaient, y pratiquer une autonomie culturelle fondée sur la langue yiddish et y lutter pour l'émancipation des ouvriers. Son cercueil, recouvert du drapeau du Bund (Union générale des ouvriers juifs de Lituanie, Pologne et Russie) confié pour la circonstance par l'Arbeter Ring (le cercle ouvrier) de Paris, fut conduit au son d'un orchestre de jazz jouant Di Shvue (Le Serment), l'hymne du Bund, depuis le monument aux héros de l'insurrection, où il se recueillait chaque année, jusqu'au cimetière juif de Varsovie où il fut inhumé près de la tombe symbolique érigée en hommage aux insurgés du ghetto.

Lors de la « grande Aktion » (l'évacuation du ghetto), du 22 juillet au 8 septembre 1942, Marek Edelman, qui travaille comme garçon de courses à l'hôpital, repère sur l'Umschlagplatz, le point de rassemblement où seront chargés dans des trains pour Treblinka quelque trois cent mille Juifs au total, les gens qu'il peut aider à fuir. Désormais, dans le ghetto, on sait que la « réinstallation à l'Est » signifie la mort par gazage. En octobre 1942, les organisations juives, jusque-là désunies par les divergences idéologiques, s'entendent pour former l'Organisation juive de combat (O.J.C.) et préparer la résistance armée. Tous les courants de gauche y sont représentés : Mordechai Anielewicz, qui en est le commandant, appartient à l'Hashomer Hatzaïr, important mouvement de jeunesse sioniste socialiste, Michal Rojzenfeld représente le Parti communiste, Hersz Berlinski le Poalei Sion de gauche (parti ouvrier sioniste), Itzhak Cukierman le Hechalutz, un mouvement de pionniers sionistes et Marek Edelman, probablement l'aîné alors qu'il n'a que vingt-trois ans, le Bund : « À nous cinq, nous avions 110 ans. »

Le 18  janvier 1943 au matin, les troupes allemandes pénètrent dans le ghetto où moins de quarante mille Juifs tentent de survivre. C'est la seconde Aktion, que nul ne soupçonnait. L'O.J.C. décide d'agir. Un groupe se dispose le long d'une colonne de déportés marchant vers l'Umschlagplatz. Au signal, les combattants surgissent, ouvrent le feu, blessant et tuant plusieurs Allemands. Au quatrième jour, ils renoncent.

Le 19 avril 1943, des gendarmes allemands et des policiers encerclent le ghetto. Quand ils y pénètrent, ils sont accueillis par les résistants qui tirent sur eux. Les combats durent trois semaines. Dans la plus grande des solitudes, quelques centaines de jeunes gens armés de pistolets, de cocktails Molotov, de grenades ont tenu tête à quelque deux mille soldats allemands entraînés à la guerre, munis d'un armement identique à celui qui est utilisé au front : chars, canons, lance-flammes. « Peut-on même parler d'insurrection ? s'interroge Marek Edelman. Ne s'agissait-il pas plutôt de ne pas les laisser venir nous égorger ? Au fond, il s'agissait seulement de choisir sa façon de mourir. » Ce que font quatre-vingts de ses compagnons, parmi lesquels Mordechai Anielewicz, qui se suicident dans le bunker du 18 de la rue Mila, le quartier général de l'insurrection. Le 10 mai, avec une quarantaine de ses compagnons, Marek Edelman gagne par les égouts la Varsovie « aryenne ». Il reprendra le combat, participant[...]

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Écrit par

  • : directrice de recherche émérite au C.N.R.S., U.M.R. identités, relations internationales et civilisations de l'Europe, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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