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MEAD MARGARET (1901-1978)

La remise en cause des stéréotypes

La méthode de Margaret Mead fut appliquée ensuite à la comparaison de trois sociétés de Nouvelle-Guinée à partir de la notion de tempérament culturel. Cependant, si riches que soient les éléments d'information et si sensible qu'apparaisse le coup d'œil de l'auteur, son livre laisse le lecteur sur l'impression qu'il est difficile d'accepter une typologie des cultures fondée sur des traits aussi généraux que la douceur, l'agressivité, l'appétit sexuel ou la placidité. En réalité, l'expérience de Margaret Mead est essentiellement orientée de manière à servir la cause d'une libération des mœurs dans la société américaine. Elle écrivit son livre en même temps que Gregory Bateson, devenu son compagnon, en écrivait un autre sur son expérience chez les Iatmul de la vallée du Sepik. Bateson sut partager avec elle « le sentiment que la grande découverte, la réponse à tous nos problèmes ou la grande création, le sonnet parfait se trouvent à peine au-delà de notre portée »... Ce texte de Bateson, Margaret Mead le cite pour montrer l'enthousiasme qu'ils mirent tous deux à l'étude de la culture balinaise entreprise après leur mariage. Ils réunirent une immense documentation photographique et cinématographique, procédé tout à fait nouveau et qui devait faire école plus tard.

Après la guerre, en 1948, Margaret Mead marqua plus encore son engagement en publiant un ouvrage intitulé Male and Female, où elle discute avec passion des moyens d'instaurer un certain bonheur entre les hommes et les femmes d'une société industrielle de type américain. À partir de la diversité du comportement humain, que Margaret Mead a plus que tout autre soulignée, elle engage le lecteur à accueillir une série de propositions capables de promouvoir un épanouissement des facultés individuelles ainsi qu'une meilleure entente entre les sexes comme entre les générations successives. Avec son extraordinaire sensibilité, Margaret Mead réussit ainsi à mettre en lumière les problèmes qui allaient progressivement passionner et bouleverser les rapports entre hommes et femmes dans la société moderne. Sa propre enfance, celle de sa fille et les nombreuses heures qu'elle a passées de par le monde à observer les manières de vivre lui ont permis d'écrire avec conviction tout un programme d'éducation de l'enfant. Elle a su sensibiliser dès 1948 le public américain à des problèmes aussi importants que l'allaitement, le sevrage, l'acquisition de la propreté, l'initiation sexuelle, les rapports entre frères et sœurs, entre parents et enfants du même sexe ou de sexe opposé. Il ne fait pas de doute que la panoplie exotique des exemples dont elle parsème son livre a aidé le public à accepter de réfléchir à son propre comportement et à la validité des impératifs de la tradition. On doit lui attribuer le grand mérite d'avoir abordé avec une totale liberté et beaucoup d'optimisme les sujets de préoccupation qui ont permis de remettre en cause les stéréotypes des attitudes masculines et féminines. Son engagement – déjà apparent lorsqu'à l'âge de vingt ans elle faisait une collecte en faveur de Sacco et Vanzetti – s'est prolongé tout au long de sa vie et jusque dans ses derniers ouvrages, consacrés au conflit des générations et à la lutte contre le racisme.

L'extraordinaire influence de cette anthropologue sur sa propre société, la célébrité qui l'accompagnait dans tous ses déplacements et l'enthousiasme qu'elle faisait naître lorsqu'elle retrouvait des populations qu'elle avait jadis étudiées, en particulier en Nouvelle-Guinée – la formation de cette jeune nation lui doit beaucoup –, sont la preuve que Margaret Mead a rempli la tâche qu'elle s'était donnée dans l'élan de sa jeunesse.[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Média

Margaret Mead - crédits : Bettmann/ Getty Images

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