RACHILDE MARGUERITE EYMERY dite (1860-1953)
Née le 11 février 1860 dans la demeure familiale du Cros, proche de Périgueux, Marguerite Eymery (Rachilde, en littérature) connaît une enfance et une adolescence troublées, qu'elle passe entre un père officier de carrière préoccupé de ses chevaux plus que de sa fille et une mère dépressive autant que mythomane. Après quelques premières publications dans L'Écho de la Dordogne, elle part à dix-huit ans à la conquête de Paris. Son premier roman, Monsieur de la Nouveauté (1880), annonce étrangement Au bonheur des dames et lui vaut un succès d'estime.
Rachilde rencontre la réussite par le scandale avec Monsieur Vénus (1884), roman dans lequel une jeune fille au nom évocateur, Raoule de Vénérande, chasseresse impitoyable et sorcière dispensatrice de philtres amoureux, décide de jouer le rôle masculin dans le jeu de la séduction avec un ouvrier fleuriste qui la laissera mettre en scène ses fantasmes pervers jusqu'à la violence et à la mort.
La parution de Monsieur Vénus entraîna un procès, une condamnation mais aussi, plus tard, une nouvelle édition préfacée par Barrès qui baptisa Rachilde « Mademoiselle Baudelaire » et insista sur l'envoûtante perversité du roman. C'est alors pour l'écrivain l'époque de la bohème. Elle se lie avec J. Lorrain, L. Tailhade, L. Trezenik, J. Moréas, Liane de Pougy, Nathalie Clifford Barney, sans oublier Samain, Verlaine et Jarry, Barbey d'Aurevilly aussi.
Son mariage avec Alfred Vallette sera un tournant décisif puisqu'il va lui permettre de participer aux débuts du Mercure de France. Rachilde devient la « patronne » du Mercure. Artistes, écrivains, intellectuels, personnalités du Tout-Paris se pressent à ses « mardis ». Léautaud, témoin privilégié, mi-agacé, mi-séduit, décrit ce ballet dans son Journal. Vers 1910, Rachilde est une des reines du Parnasse et son avis, clairement exprimé dans sa chronique critique du Mercure de France, compte : protectrice, elle soutient Colette ; agressive, elle raille avec esprit les œuvres d'Anna de Noailles et, avec moins de bonheur, celles de Proust ou de Mauriac. Elle sera responsable du refus du Mercure d'éditer À la Recherche du temps perdu. Par ailleurs, elle poursuit avec un extraordinaire dynamisme sa propre œuvre théâtrale (La Voix du sang, 1890 ; Madame la Mort, 1891, apprécié par Kafka) et surtout romanesque : La Marquise de Sade (1887), L'Animale (1893), Les Hors-Nature (1897), La Jongleuse (1900), La Tour d'amour (1914), Le Grand Saigneur (1922), Mon Étrange Plaisir (1934), Duvet d'ange (1942), pour ne citer que les œuvres les plus importantes. À cette production sulfureuse, il convient d'ajouter des textes satiriques, des études littéraires consacrées au monde animal qui annoncent Colette, des témoignages sur ses contemporains (Jarry ou le Surmâle des lettres, 1928) sans oublier des pamphlets (Pourquoi je ne suis pas féministe, 1928) et des recueils de souvenirs attachants et pathétiques (Face à la peur, 1942).
Après la mort de Vallette (1935), Rachilde sera particulièrement solitaire, mais jusqu'à sa mort — le 4 avril 1953 — ne cessera pas d'écrire.
On peut admirer en elle un talent d'une extrême diversité qui lui a permis de s'illustrer dans tous les genres, du roman de mœurs au conte fantastique, en passant par le récit historique, la critique littéraire, la nouvelle et le théâtre. Son œuvre est représentative de l'évolution de la littérature de l'époque, marquée d'abord par le naturalisme, évoluant sensiblement vers le symbolisme et le décadentisme avant de donner dans l'érotisme des années folles. On y décèle des tons multiples : poétique, passionné, romantique, réaliste et satirique. Écrivain-né, Rachilde a été victime de sa propre facilité, qui la poussait à écrire trop et trop vite. « La littérature, notait-elle, fut[...]
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Écrit par
- Claude DAUPHINE : agrégée des lettres, professeur de classes préparatoires au lycée Masséna
Classification
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