DABROWSKA MARIA (1889-1965)

Comment être un homme ?

Ces traditions, par lesquelles son œuvre se rattache aux grands modèles du roman du xix^e siècle, Maria Da̧browska les a enrichies et renouvelées en utilisant les expériences dues aux recherches psychologiques du xx^e siècle et en introduisant dans son récit des généralisations philosophiques. Celles-ci s'expriment non seulement dans les abondantes discussions d'idées conduites par les personnages, mais encore et surtout par l'insertion de sentences et d'aphorismes qui forment un commentaire philosophique discret de la narration et élèvent les éléments concrets de l'intrigue et de la psychologie au plan des vérités et des normes de caractère universel. L'analyse psychologique rejoint ici des conceptions éthiques. Les problèmes de cette philosophie se ramènent à cette question : comment être un homme ? Pour se définir, les personnages de Maria Da̧browska surmontent leur égotisme, découvrent ce qui les unit aux autres hommes et au monde qui les entoure. Fiers de ce qui fait le prix de leur propre existence, ils sont humbles envers la vie, dont ils comprennent la grandeur. Cette attitude se manifeste particulièrement dans l'amour du travail créateur et la sympathie envers la souffrance d'autrui.

Chez Maria Da̧browska, la mise en œuvre de la réalité présentée repose sur un système de valeurs morales. À leur lumière, les destins humains se composent en un ensemble organique chargé de signification, cependant que l'auteur présente ses personnages et leur sort individuel à une distance épique, distance que l'auteur a maintenue avec bonheur surtout dans les deux premiers volumes du cycle, qui constituent un tout ; l'action des suivants se situe à une époque plus proche de nous.

Dans Les Nuits et les Jours, l'intrigue se joue entre l'échec de l'insurrection polonaise contre la Russie (1863-1864), et la déclaration de la Première Guerre mondiale. La matière historique du récit est fournie par la crise qui, à la fin du xix^e siècle et au début du xx^e siècle, détermine la ruine des propriétaires terriens et la formation d'une intelligentsia parmi la bourgeoisie et les professions libérales ; cette matière, Maria Da̧browska l'approfondit et l'élargit en plaçant ses personnages devant les changements décisifs, tels que la défaite nationale de 1864, la révolution de 1905, la guerre mondiale. De telles expériences confèrent aux vicissitudes de ses héros un caractère universel.

Les Nuits et les Jours, comme les autres œuvres de Maria Da̧browska, sont écrits dans un style extraordinairement naturel et qui paraît d'une extrême simplicité. Celle-ci résulte cependant d'un choix rigoureux que l'écrivain opère dans la richesse de son vocabulaire. Aussi la traduction de ses œuvres est-elle une entreprise difficile et, si l'on n'atteint pas à l'exactitude, on se condamne à demeurer dans la banalité.

L'œuvre de Maria Da̧browska comprend encore des drames historiques traitant du problème du pouvoir et un recueil de nouvelles écrites après la Seconde Guerre mondiale, Gwiazda zaranna (L'Étoile du matin). L'une d'entre elles, Wesele na wsi (La Noce à la campagne), constitue une curieuse tentative de synthèse artistique, menée dans l'intention de décrire des changements intervenant dans la conscience polonaise au moment de transformations politiques et sociales décisives.

Il convient enfin d'ajouter à cette œuvre des volumes d'essais littéraires, d'impressions de voyages, de remarquables traductions de l'anglais et du russe, des études sur l'art de la traduction.

Maria Da̧browska est morte avant d'avoir pu achever la composition d'un roman, Przygody człowieka mys̀la̧cego (Les Aventures d'un homme qui pense), paru seulement en 1970.