VIEIRA DA SILVA MARIA ELENA (1908-1992)
On a souvent souligné que les étagements et les imbrications des maisons de Lisbonne (où elle est née) déterminent toute l'œuvre de Maria Elena Vieira da Silva. C'est insister à juste titre sur l'importance de son enfance dans une famille qui la destine par avance à une carrière artistique ; carrière qui sera marquée de façon déterminante par l'exemple de Bissière, qu'elle rencontre à Paris en 1932, après des essais de sculpture chez Bourdelle et chez Despiau. C'est surtout après 1945, dans le foisonnement du mouvement de l'abstraction lyrique, que Vieira da Silva trouvera le « style » dont elle ne se départira pas, hors du souci de l'évolution du langage, hors des modes aussi. Encore teintée de surréalisme, sa thématique se dégage déjà de L'Atelier (1940, coll. privée, New York) et de La Partie d'échecs (1943, Musée national d'art moderne, Paris) : l'espace clos et perspectif d'une chambre est accentué par un fourmillement de petits carrés qui s'emparent des éléments (meubles, murs, personnages). Indifféremment treillis, étagères, livres, pylônes, herbes, fenêtres, ces cellules proliférantes, agglutinées, forment pour chaque toile un nouveau « paysagisme abstrait » dont la poésie naît de l'ambiguïté même de l'identification : La Gare Saint-Lazare (1949, coll. Jean-François Jaeger, Paris), La Bibliothèque (1966, Musée national d'art moderne, Paris), Les Indes noires (1974, coll. part. suisse). Une vision unifiée de la disparité de la nature tire toutes ses ressources expressives de l'exploitation des obliques, des horizontales, des verticales, seules ou en faisceaux serrés. Les tonalités dominantes, brun-rouge, bleu foncé, parfois blanc (Hommage à Saenredam, 1968), accentuent le caractère sensible de cette peinture qui, à l'opposé de l'art gestuel, est la lente genèse d'une nature éclatée en multiples facettes. On retrouve la poésie du monde de Vieira da Silva dans ses tapisseries, dans ses vitraux (1968, Saint-Jacques de Reims) et dans les compositions sur papier où, surtout depuis le début des années 1970, elle se plaît à exploiter les subtilités de l'encre de Chine ou d'un mélange de tempera et de fusain. La dernière décennie de son activité artistique est marquée par l'irruption de la lumière. La couleur blanche envahit la toile, dilatant l'espace vers quelque chose d'immatériel, Vers la lumière (1991, coll. comité Arpad Szenes-Vieira da Silva, Paris). Depuis 1990, la fondation Arpad Szenes-Vieira da Silva, à Lisbonne, présente les œuvres que les deux peintres ont créées côte à côte, depuis 1930. En 1993, de nombreux tableaux issus de la collection de Vieira da Silva et Arpad Szenes ont été remis en dation au Musée national d'art moderne.
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Écrit par
- Michel FRIZOT : directeur de recherche au C.N.R.S., École des hautes études en sciences sociales, Paris
Classification
Autres références
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PIERRE BOULEZ (exposition)
- Écrit par Alain FÉRON
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...geste pictural qui privilégie l’effacement du motif, la densité des couleurs, les ellipses dynamiques du mouvement imprimé au pinceau. Ou encore avec Vieira da Silva, dont la technique de brouillage appliquée à ses fonds picturaux crée une multiplicité de lignes jouant avec le continu et le discontinu.... -
VITRAIL
- Écrit par Catherine BRISAC et Louis GRODECKI
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...qu'il pouvait attendre de ces entreprises en commandant des œuvres à Jacques Villon (1957), puis à Chagall (1959) pour la cathédrale de Metz ; à Vieira da Silva pour Saint-Jacques de Reims (1973) ; au peintre américain Einstein pour Saint-Wulfram d'Abbeville (1967), etc. Dans les années 1980, la...