TOROK MARIA (1925-1998)
Psychanalyste française, née le 10 novembre 1925 à Budapest, décédée à New York le 25 mars 1998, Maria Torok suit une formation de psychologue à la Sorbonne au début des années 1950 ; elle y rencontre Nicolas Abraham (1919-1975), psychanalyste et philosophe marqué par la phénoménologie husserlienne, dont elle devient la compagne. Elle est d'abord conseiller psychologique pour les écoles maternelles, et entreprend une analyse avec Béla Grunberger, psychanalyste d'origine hongroise, puis avec Margaret Clark-Williams, psychanalyste d'origine américaine. Elle devient analyste, membre de la Société psychanalytique de Paris.
Dès son premier article « La Signification de „l'envie du pénis“ chez la femme » (1964), elle témoigne d'une originalité de pensée théorique fondée sur la clinique des femmes et d'une prise de distance par rapport à une théorie psychanalytique qui ne serait que la reconduction de l'institution culturelle. Maria Torok partage avec Nicolas Abraham le souci de différencier l'écorce du noyau de la théorie freudienne : « Si les théories de Freud forment l'écorce protectrice de son intuition, la dissimulant et la révélant à la fois, qu'en est-il du noyau proprement dit ? Car c'est lui qui, invisible mais agissant, confère son sens à toute la construction. Ce noyau, principe actif de la théorie psychanalytique, ne transparaîtra pas tant que les contradictions apparentes n'auront trouvé leur explication dans l'unité, que par hypothèse, nous supposons à l'intuition freudienne ».
Dans un article remarquable « Maladie du deuil et fantasme du cadavre exquis », Maria Torok reprend la question de l'introjection et de l'incorporation depuis Ferenczi jusqu'à Melanie Klein. Elle différencie l'introjection, processus qui permet d'enrichir le moi des traits pulsionnels de l'objet-plaisir, de l'incorporation, mécanisme fantasmatique qui installe l'objet interdit ou prohibé à l'intérieur de soi dans le secret. À partir de ce texte, Marie Torok va développer sa théorie de la crypte et du fantôme, qui vient hanter le sujet et se met à parler à sa place. Le phénomène du fantôme ne relève pas du retour du refoulé mais de l'inclusion cryptique d'un autre, face auquel la maladie du deuil et le travail de deuil n'ont pu s'opérer. Il s'ensuivra une relecture patiente et critique de Freud, de Ferenczi, de Melanie Klein, pour tenter de repérer dans les systèmes psychanalytiques tout ce qui est resté inanalysé et encrypté. Ce souci de débusquer l'impensé, l'encrypté des théories psychanalytiques, qui ont autant d'effets fâcheux pour un analysant que les blancs de son histoire familiale, Maria Torok le résume très bien dans une lettre à René Major : « Quelqu'un élabore un système et le transmet lors du transfert à son patient-„élève“. La vigilance critique de ce dernier en souffre puisque la théorie s'impose, s'applique pendant que le processus primaire domine. La spécificité de l'analyse transmise ainsi sera l'incorporation et l'incorporation de l'endoctrinement [...]. La question se posera donc : quelles traces ces théories portent-elles de l'histoire personnelle de l'analyste-théoricien, et de quelle façon portent-elles ses traumas personnels et analytiques ? [...] À qui s'adresse telle ou telle notion ? Au patient ? À un ancêtre personnel ou analytique de l'auteur ? Le concept élaboré vient-il nier une souffrance en l'aliénant de son lieu d'enracinement ? Ou bien vient-il promouvoir des introjections en reconnaissant la douleur et la nécessité de son entérinement ? »
Quels que soient les résultats divers de ses déchiffrages des théories, Maria Torok a su poser des questions fondamentales sur le[...]
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Écrit par
- Jacques SÉDAT : psychanalyste, membre d'Espace analytique, secrétaire général de l'Association internationale d'histoire de la psychanalyse
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