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ANDERSON MARIAN (1897-1993)

Une championne de la déségrégation

Quel qu'en soit le prix, l'émancipation des Noirs – et cela fût-ce au prix de ses propres intérêts – est le combat de sa vie. Et Marian Anderson sait encaisser les coups. En février de 1939, l'association conservatrice Daughters of the American Revolution (« Les Filles de la révolution américaine ») réussit à l'empêcher d'entrer au Constitution Hall de Washington, où elle devait donner une soirée de lieder. Le scandale est énorme. Il faudra le soutien sans réserve de la femme du président, Eleanor Roosevelt – qui démissionnera des Daughters of the American Revolution –, et du secrétaire de l'Intérieur Harold L. Ickes pour que justice lui soit enfin rendue avec un concert en plein air rassemblant soixante-quinze mille personnes devant le Lincoln Memorial, le dimanche de Pâques (9 avril) 1939.

À l'invitation de Rudolf Bing, administrateur général du Metropolitan Opera de New York, Marian Anderson devient la première chanteuse noire à pénétrer ce temple du chant, où elle fait enfin ses débuts le 7 janvier 1955, triomphant dans le rôle d'Ulrica, la sorcière d'Un bal masqué de Verdi. Mais il est déjà bien tard : on peut être à la fois belle et immense musicienne sans avoir pour autant le sens du théâtre ; et le déclin de la voix est perceptible. Aussi sa carrière lyrique tourne-t-elle rapidement court. Elle abandonne la scène dès 1956, mais elle va continuer de se produire à travers le monde, au concert et en récital, jusqu'à sa tournée d'adieux, en 1965 : c'est le 18 avril 1965, au Carnegie Hall de New York, qu'elle se produit pour la dernière fois. Elle avait créé en 1942 un prix qui porte son nom – le Marian Anderson Award, destiné à aider de jeunes talents – et publié en 1956 ses Mémoires sous le titre My Lord, WhataMorning.

C'est en 1991 – juste avant qu'il ne soit trop tard : elle a quatre-vingt-quatorze ans... – que lui est décerné un Grammy Lifetime Achievement Award pour l'ensemble de son œuvre. Elle disparaît le 8 avril 1993, à Portland (Oregon).

Il faut écouter cette voix singulière, monumentale, habitée par la grâce, dans des negro spirituals – qu'elle chante avec le même engagement intérieur que Mahalia Jackson –, dans des airs ou des lieder de Bach, Alessandro Scarlatti, Haendel, Schubert, Schumann, Brahms, Saint-Saëns, Verdi, Hugo Wolf, Richard Strauss ou Sibelius. Elle se montre l'égale de la bouleversante Kathleen Ferrier dans la Rhapsodie pour voix d'alto, chœur d'hommes et orchestre de Brahms (avec l'Orchestre de Philadelphie sous la baguette d'Eugene Ormandy) et, surtout, dans ces Kindertotenlieder de Mahler qu'elle enregistre par deux fois, sous les directions de Pierre Monteux à la tête de l'Orchestre symphonique de San Francisco (26 février 1950) et de Jascha Horenstein dirigeant l'Orchestre national de l'O.R.T.F. (23 novembre 1956). Le timbre est splendide, homogène dans toute l'étendue de son très vaste registre. La ligne est d'une bouleversante simplicité, vibrant d'une vie intense et pudique à la fois. Arturo Toscanini, qui ne se trompait pas souvent, l'appelait « la voix du siècle ».

Leontyne Price lui rendra, juste après sa mort, un des plus beaux hommages (New York Times, 9 avril 1993) : « Son exemple de professionnalisme, de non-compromission, sa volonté de surmonter les obstacles, sa ténacité, son tempérament et son esprit indomptable m'ont convaincue que je pourrais atteindre des objectifs qui auraient autrement été impensables. »

— Pierre BRETON

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Média

Marian Anderson - crédits : Courtesy of RCA Records

Marian Anderson

Autres références

  • ROOSEVELT ELEANOR (1884-1962)

    • Écrit par et
    • 1 007 mots

    Épouse de Franklin Delano Roosevelt, Eleanor Roosevelt, Première Dame des États-Unis de 1933 à 1945, fut ensuite diplomate pour les Nations unies. Elle fut, en son temps, l'une des femmes les plus admirées et les plus puissantes au monde.

    Née le 11 octobre 1884 à New York, Anna Eleanor...