CARÊME MARIE-ANTOINE (1784-1833)
Pâtissier et architecte, Carême a participé à l'élaboration de la gastronomie comme art, associant l'érudition architecturale au sensualisme culinaire. Pâtissier et rôtisseur, il entre chez Talleyrand, alors ministre des Relations extérieures, et collabore à la renommée d'une des plus célèbres tables d'Europe, assurant aussi le succès de buffets officiels. Il se fait remarquer par son talent d'organisateur et de scénographe : ses pièces montées reflètent ses lectures à la Bibliothèque nationale, empruntant à l'architecture antique, à la Chine, à l'Islam, à l'Inde. Il imagine des « jardins miniatures de la gourmandise » où les planches gravées de recueils d'architecture se retrouvent en créations éphémères et colorées de sucre-pastillage, de pâtes sablées ou feuilletées, de fruits confits, de crèmes et de sorbets. Dans ces décors tout se mange, après avoir satisfait la vue et le plaisir de l'amateur d'architecture : la ruine de Palmyre ou la grotte moussue d'un ermitage, la cascade et le moulin sont en « croque en bouche », praline ou caramel, étranges fabriques qui témoignent d'une folie — alors très respectée — du dessin et des formes. James de Rothschild l'engage comme maître d'hôtel en 1823. Ses conversations avec des gourmets, comme Rossini ou Chopin, ses consultations auprès d'architectes, comme Fontaine, en font un personnage original dont le caractère encyclopédique se traduit par la volonté de transmettre son savoir. Dès 1815, il publie le Pâtissier pittoresque orné de gravures au trait ; en 1821, des Projets d'architecture dédiés à Alexandre Ier(pour Saint-Pétersbourg) où il se montre un émule de la dimension colossale du projet néo-classique ; et, en 1822, son guide célèbre Le Maître d'hôtel.
Le renouveau de l'art culinaire passe, pour Carême, par une organisation rigoureuse du travail, une capacité d'invention des recettes comme de la présentation des mets, une nomenclature des aliments, un code de l'ordonnance de la table. Un art aussi exigeant — et aussi coûteux — nécessite l'emploi d'objets et d'ustensiles de grande qualité : vaisselle de porcelaine ou de faïence fine, verres et carafes de cristal, pièces d'orfèvrerie et couverts dont l'ensemble témoigne de cet art total que se veut alors l'architecture de la table. C'est l'éphémère triomphe, comme le rappelle Alexandre Dumas dans un Grand Dictionnaire de cuisine, « du luxe délicat et de l'exquise sensualité de l'Empire ».
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Pierre MOUILLESEAUX : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites
Classification