BELL MARIE (1900-1985)
Née le 23 décembre 1900, à Bègles, Marie-Jeanne-Lucie Bellon-Downey – future Marie Bell – ne semblait d'abord devoir s'intéresser qu'à la danse. Petit rat au Grand Théâtre de Bordeaux, c'est en Angleterre qu'elle fait, à treize ans, ses vrais débuts. C'est là aussi qu'elle rencontre son oracle en la personne de Colonna Romano, tragédienne de la Comédie-Française, qui lui conseille de se présenter au Conservatoire. Elle le fait, est reçue, et obtient en 1921 un premier prix ainsi qu'un engagement dans la maison de Molière. Elle y restera trente-deux ans.
Trente-deux ans pendant lesquels elle aborde tous les grands rôles, de Célimène, qu'elle reprend juste après Cécile Sorel, à la Prouhèze du Soulier de satin qu'elle crée sous la houlette de Jean-Louis Barrault en 1943, avec Madeleine Renaud dans le rôle de Dona Musique, en passant par la Blanche des Corbeaux de Becque (qui lui ouvrit les portes du sociétariat dès 1928) ou la Roxane du Cyrano de Bergerac de Rostand, qui faisait alors son entrée dans le répertoire. Trente-deux ans durant lesquels Marie Bell s'affirme comme la tragédienne par excellence, racée, vibrante, sensuelle, jouant d'une emphase savamment modulée qui lui permet d'incarner Iphigénie, Esther, Hermione, Agrippine et Phèdre, rôle fétiche qu'elle joua dans le monde entier avant de l'immortaliser pour la télévision en 1968 sous la direction de Pierre Jourdan. Mais, durant ces trente-deux ans, Marie Bell, a cherché également un second souffle au cinéma.
Femme soumise ou fatale, voix grave et rauque, elle tourne, à partir de 1924 (Paris de René Hervil), dans une trentaine de films dont L'Homme à l'Hispano de Jean Epstein, Le Roman d'un jeune homme pauvre d'Abel Gance, Le Grand Jeu de Feyder, Carnet de bal de Julien Duvivier, sans oublier Sandra de Visconti, ou encore, ultime apparition, Les Volets clos de Jean-Claude Brialy, en 1975. Au théâtre, tout en poursuivant sa carrière à la Comédie-Française et malgré la tradition, elle prend, en 1934, la tête du théâtre des Ambassadeurs. Ce bonheur de l'aventure, elle le retrouve quelque vingt-cinq ans plus tard, lorsqu'elle quitte la Comédie-Française et rachète le théâtre du Gymnase – qui porte son nom aujourd'hui – pour y présenter des auteurs maudits (Jean Genet avec Le Balcon, mis en scène par Peter Brook en 1960 où elle interprète le rôle de Madame Irma), débutants (Françoise Sagan avec Le Cheval évanoui en 1965, puis Des violons parfois...), ou déjà reconnus (Félicien Marceau avec La Bonne Soupe en 1958 et Madame Princesse en 1967), avant de se retourner vers des auteurs franchement « boulevardiers »
Altière et sculpturale, Marie Bell est restée toute sa vie la grande dame du théâtre français. Elle fut aussi l'ultime représentante d'une manière de jouer qui se confondait avec une manière d'être, une sorte de grande prêtresse dans la lignée de Sarah Bernhardt. Elle fut la dernière grande tragédienne. Dans ce mot tout est ainsi résumé : son talent, son aura, la légende vivante qu'elle est devenue, et que pressentait Visconti lorsqu'il pensait à lui confier, dans un film qu'il n'a jamais tourné, La Recherche du temps perdu, le rôle de la Berma...
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Écrit par
- Didier MÉREUZE
: journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à
La Croix
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