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MARIE DE FRANCE (1154-1189)

Trois œuvres littéraires en français de la seconde moitié du xiie siècle, un recueil de lais narratifs, un recueil de fables et une traduction du Purgatoire de saint Patrice sont signés du nom de Marie. S'agit-il dans les trois cas de la même poétesse ? C'est à peu près certain pour les Fables et les Lais, un peu plus douteux dans le cas de l'Espurgatoire saint Patrice. Dès le xvie siècle, elle a été désignée sous le nom de Marie de France, d'après l'épilogue des Fables où elle se présente en ces termes : Marie ai num, si sui de France (« mon nom est Marie, et je suis de France »), signifiant par-là qu'elle est originaire d'Île-de-France, alors qu'elle vit dans l'Angleterre anglo-normande, dont les traits dialectaux marquent son œuvre. Les Lais sont dédiés à Henri II Plantagenêt ; les Fables, probablement à Guillaume de Mandeville, comte d'Essex, mort comme le roi en 1189. Le jeu des influences littéraires permet de préciser que les Lais ont été composés entre 1160 et 1178 et probablement avant 1170. L'Espurgatoire est postérieur à 1189.

Cette dernière œuvre est la traduction, destinée à le rendre « compréhensible aux laïcs » (v. 2297-2300), d'un traité latin d'Henri de Saltrey. Les Fables, raides et gauches, traitent les sujets traditionnels depuis Ésope et Phèdre. Les Lais se prétendent, et sont sans doute, pour la plupart, l'adaptation narrative de ballades (lais musicaux) celtiques. Ces douze brèves nouvelles (le plus souvent de cent à cinq cents octosyllabes) ont des sujets assez divers : parfois contre l'adultère (Equitan, Bisclavret), ou pour la courtoisie (Chaitivel, Chèvrefeuil) ; plusieurs fois le romanesque des reconnaissances familiales commande l'histoire (Fresne, Yonec, Milon). Les plus beaux lais sont ceux où Marie mêle, avec autant de finesse que de bonheur, la veine de la courtoisie et celle du merveilleux (fées, loup-garou, oiseau bleu, voire légende attachée à un lieu-dit) ; leur étrange poésie transcende aussi bien le rituel de la courtoisie que le folklore du merveilleux.

Guigemar : Le chevalier breton Guigemar, blessé par la flèche même dont il vient de toucher une biche blanche, s'entend prédire par celle-ci que seule le guérira la femme qui éprouvera pour lui et pour laquelle il éprouvera des souffrances d'amour sans pareilles. Il s'embarque sur un bateau sans pilote qui le laisse sur le rivage d'un jardin enclos de murs où un vieillard jaloux a enfermé sa jeune femme. Celle-ci le soigne, le guérit et ils s'aiment. Ils sont découverts ; le bateau mystérieux ramène Guigemar dans son pays, avant d'y conduire plus tard la jeune femme échappée de la prison où son mari l'a enfermée. Les deux amants se retrouvent grâce à un signe de reconnaissance et Guigemar arrache la belle au chevalier qui voulait la contraindre à l'épouser.

Bisclavret : Un seigneur breton révèle imprudemment à sa femme qu'il se transforme parfois en loup-garou (bisclavret) et lui apprend qu'en dérobant ses vêtements, qu'il cache dans la forêt lorsqu'il est sous forme animale, on l'y maintiendrait pour toujours. C'est ce que fait bientôt la femme pour l'amour d'un autre. Plusieurs années après, le loup-garou, débusqué dans la forêt par la chasse du roi, sait suffisamment se faire comprendre de celui-ci pour que la vérité soit découverte. On lui rend, avec ses vêtements, sa forme humaine.

Lanval : Un chevalier du roi Arthur devient l'amant d'une fée, à condition de ne jamais révéler son existence. Il manque à sa parole pour échapper aux avances de la reine Guenièvre. Son amie disparaît alors ; calomnié par la reine, il n'échappera à la mort qu'en prouvant à ses juges que son amie existe et qu'elle est plus belle que la reine. Au dernier moment, la fée survient, administrant[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-Sorbonne

Classification

Autres références

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