CHÉNIER MARIE-JOSEPH (1764-1811)
Né à Constantinople deux ans après son frère André, officier de dragons à dix-sept ans, Marie-Joseph de Chénier démissionne assez vite de l'armée pour se consacrer aux Muses. Après quelques pièces sans aucun succès, il remporte un triomphe à la fin de 1789 en faisant jouer un Charles IX où sa plume de patriote dénonce vigoureusement les tyrans. La même faveur du public accueillera son Henri VIII en 1791 et son Caïus Gracchus en 1792 ; désormais, pour les contemporains et jusqu'à la publication fort tardive des œuvres posthumes de son frère, quand on parle du grand poète Chénier, c'est de lui qu'il s'agit. Sa célébrité lui vaut d'être élu sans peine député de la Seine-et-Oise à la Convention ; montagnard, régicide, il se consacre surtout aux travaux du comité de l'Instruction publique, pour lequel il présente notamment un rapport sur la création des écoles primaires le 12 décembre 1792. Et il poursuit son œuvre de poète : textes de nombreux hymnes et chants révolutionnaires, dont les paroles du Chant du départ (Les républicains sont des hommes, / Les esclaves sont des enfants), et une pièce, Timoléon, jouée au printemps de 1794, qui aurait déplu à Robespierre par des insinuations dantonistes. Il est sûr en tout cas que Marie-Joseph n'est pas très bien vu du pouvoir en ce début de thermidor où son frère André monte à l'échafaud, et que les tentatives qu'il a pu faire pour sauver son aîné, malgré l'antagonisme politique qui les opposait depuis cinq ans, n'avaient guère de chances d'être utiles : on doit donc rejeter les accusations de lâcheté portées contre lui à cette occasion, dont il se défendra dans une Épître sur la calomnie assez émouvante (1797) et que reprendra néanmoins sous une forme plus insidieuse Alfred de Vigny dans son Stello.
Après la chute de Robespierre, Marie-Joseph fait figure pendant quelques mois de grand politique ; il est membre du Comité de salut public, il participe à la réaction thermidorienne ; plus effacé sous le Directoire, il glisse du centre gauche au centre droit ; l'évolution du Consulat et de l'Empire le rend à la ferveur première de son républicanisme ; son Cyrus lui vaut une disgrâce assez prononcée ; il meurt encore jeune, supportant un certain dénuement avec une grande dignité oppositionnelle. À son fauteuil de l'Académie viendra s'asseoir un autre opposant, bien moins révolutionnaire en politique, bien plus révolutionnaire en littérature : le vicomte de Chateaubriand.
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Écrit par
- Jean MASSIN : écrivain
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