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LAURENCIN MARIE (1883-1956)

Les Années folles

Narcissisme ou interrogation toute légitime d'une enfant qui ne l'était pas sur son identité et sa place dans un milieu de rapins haut en couleur, les autoportraits abondent. Marie Laurencin saura, tout au long de sa carrière, imposer son image comme la clé de son univers pictural. Les premiers succès, dès 1910, l'encouragent. De 1911 à 1914, elle peint d'ambitieuses compositions pour le Salon des indépendants et pour le Salon d'automne, dans le cadre duquel elle participe, en 1912, au décor de la Maison cubiste, dont la façade est signée Raymond Duchamp-Villon et l'aménagement André Mare. En 1913, sept de ses tableaux figurent à l'Armory Show de New York. Quittant Apollinaire, elle rencontre Jean-Émile Laboureur, graveur qui restera son maître en taille-douce durant de longues années. Dès ces années d'avant la Grande Guerre, l'artiste, à trente ans, connaît la reconnaissance critique, joue de sa séduction, affirme des amitiés féminines. Avec Nicole Groult, sœur de Paul Poiret et épouse du décorateur André Groult, dont elle fera plusieurs fois le portrait, elle noue une longue relation amoureuse pendant son exil en Espagne.

Le mariage de Marie Laurencin, en juin 1914, avec un peintre de Montparnasse allemand et francophile, le baron Otto von Wätjen, la contraint en effet à quitter la France pour cause de guerre. Elle n'y reviendra qu'en 1922. De la période espagnole subsistent quelques œuvres importantes, tel Le Zèbre (« danseur espagnol », 1917, musée de Tel Aviv) et de nombreuses poésies qui seront réunies dans un ouvrage illustré, Le Carnet des nuits (1956). Les Années folles et son affranchissement personnel, sous le règne de la garçonne, voient le succès couronner sa production de Princesses et autres Amazones, occupées à divers Jeux d'enfants. Réalisant de nombreux portraits mondains, l'artiste s'invite dans les intérieurs art déco les plus élégants, où ses œuvres s'inscrivent avec une rare délicatesse de tons. Des toiles de commande (portraits de Mme Paul Guillaume, de Coco Chanel, de lady Cunard ou de la comtesse de Beaumont) et de nombreuses aquarelles montrent à la fois les nuances de son style raffiné et son empathie pour un univers exclusivement féminin. Elle contribue ainsi à la Chambre de Madame, à l'Exposition internationale des arts décoratifs en 1925. L'année précédente, elle signait pour les Ballets russes de Diaghilev les décors et costumes du ballet Les Biches, qu'elle avait inspiré à Francis Poulenc (chorégraphie de Bronislava Nijinska), et pour les Soirées de Paris du comte Étienne de Beaumont, dont elle peint l'affiche, ceux des Roses (musique d'Henri Sauguet, chorégraphie de Léonide Massine). En 1928 viendront ceux de la pièce de Musset À quoi rêvent les jeunes filles, à la Comédie-Française, avec Marie Bell et Madeleine Renaud.

La crise de 1929 affecte une réussite peu conventionnelle, sans doute trop sensible à l'époque qui anticipe sur les cataclysmes de la Seconde Guerre mondiale. Au cours des années 1930, Marie Laurencin, à cinquante ans, se ressource auprès de ses amis écrivains, tel Marcel Jouhandeau, et renonce à la fréquentation des peintres. Sa dernière grande composition publique sera La Répétition (1937, Musée national d'art moderne, Paris), avant qu'elle ne crée les décors et costumes du Déjeuner sur l'herbe (1945, chorégraphie de Roland Petit). Laissant le souvenir de contes bleus et roses, mais aussi de gris perle, jaune d'iris, lilas ou garance, elle s'éteint, à son domicile parisien, le 8 juin 1956.

— Daniel MARCHESSEAU

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Écrit par

  • : conservateur général du Patrimoine, directeur du musée de la Vie romantique, Paris

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Médias

Marie Laurencin - crédits : Carl Van Vechten Collection/ Michael Ochs Archives/ Getty Images

Marie Laurencin

Portrait d'Apollinaire et de Marie Laurencin, H. Rousseau - crédits : Godong/ Universal Images Group/ Getty Images

Portrait d'Apollinaire et de Marie Laurencin, H. Rousseau

Autres références

  • APOLLINAIRE GUILLAUME (1880-1918)

    • Écrit par
    • 4 277 mots
    • 2 médias
    L'atonie sentimentale dans laquelle l'a laissé cet échec ne sera rompue que par sa rencontre avec Marie Laurencin en 1907. Cette renaissance à l'amour est liée à un renouveau poétique que jalonnent des pièces comme « Onirocritique », « Le Brasier » ou « Les Fiançailles ». S'il continue à fréquenter...