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MARIE

La tradition ecclésiastique

Il est impossible de suivre autrement qu'à grands traits le cheminement de Marie à travers des siècles de tradition. Les travaux de René Laurentin, par exemple, montrent assez que l'extraordinaire relief qu'a pris la Vierge Marie dans la piété vivante et la doctrine officielle de l'Église catholique jusqu'à nos jours pose d'innombrables problèmes, au sein même du catholicisme, tant au plan de l'exégèse et de l'histoire qu'à celui de la théologie, de l'ecclésiologie et de l'expérience religieuse elle-même.

Historiquement, on peut grosso modo caractériser trois périodes. La première, à partir du iisiècle, s'achève au ve  avec les deux grands conciles christologiques d'Éphèse (431) et de Chalcédoine (451). Dans la ligne des symboles trinitaires (symboles des Apôtres, de Nicée-Constantinople), le rôle de Marie se limite à l'Incarnation et n'est envisagé essentiellement que par rapport au Christ « conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie ». À Éphèse, Marie sera proclamée « mère de Dieu » (Theotokos) dans le contexte du dogme des deux natures dans le Christ (Jésus-Christ, vrai homme et vrai Dieu) qu'explicitera le concile de Chalcédoine (451). La maternité divine de Marie sert en quelque sorte d'argument théologique. Mais déjà dans la tradition patristique se développe, d'Irénée à Augustin, un processus apologétique qui, prenant Marie elle-même comme objet de sa méditation, utilise largement l'interprétation allégorique de l'Écriture. Le thème essentiel en est le parallèle entre Ève et Marie. Celle-ci apparaît comme la « nouvelle Ève », génératrice de la nouvelle création, réparatrice de la faute originelle de l'humanité et jouant par conséquent dans l'économie du salut un rôle actif, à la fois par son obéissance de foi accueillante au Verbe divin et par sa sainteté concrètement exprimée par sa virginité (dans et après l'enfantement).

En une deuxième période qui va du vsiècle au xvie, les grandes doctrines trinitaires et christologiques étant fixées, l'intérêt se concentre toujours plus sur la personne, les mérites et les privilèges de Marie. La virginité perpétuelle donne lieu à maintes polémiques à travers lesquelles se formera lentement la croyance à l'Immaculée, préservée dès sa naissance du péché originel et de ses souillures, préservée aussi, par voie de conséquence, de la corruption corporelle et de la mort. Tandis que les théologiens disputent, c'est surtout à travers la liturgie et la célébration des fêtes mariales que se développe, en Orient d'abord, puis en Occident, la vénération de Marie. Au visiècle, on compte six fêtes mariales en Orient. Le témoignage liturgique le plus célèbre et le plus cher aux orthodoxes est l'hymne akhatiste à la Vierge, encore en usage. Au viisiècle, quatre fêtes mariales apparaissent dans le canon romain, dont celle de l'Assomption (15 août). Mais c'est en Occident aux xiie et xiiisiècles que la piété mariale connaît sa plus large extension sous l'influence de maîtres spirituels tels que Bernard de Clairvaux, le pseudo-Albert, Bonaventure, en dépit des réserves parfois exprimées par la grande théologie classique (Thomas d'Aquin, par exemple, refusait à Marie le privilège de l'immaculée conception). L'usage de l'« ave Maria », à côté du « pater », encourage et justifie la croyance en l'efficacité de l'intercession de Marie. Chez saint Bernard apparaît l'idée de la médiation maternelle qui conduira à considérer Marie comme mère de l'Église ; et Bonaventure développe le thème de Marie coopérante (adjutorium) à l'œuvre rédemptrice du Christ par sa participation au sacrifice de la croix. Mais cette période[...]

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Écrit par

  • : pasteur, chargé des relations avec le catholicisme

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