MARIN YVES MORVAN dit JEAN (1909-1995)
Voix de la liberté dans la nuit de l'Occupation, pilier du programme de la B.B.C. “Les Français parlent aux Français” de l'été de 1940 à l'automne de 1943, sous son pseudonyme de Jean Marin, Yves Morvan a été, dans la guerre puis dans la paix, à la tête de l'agence France-Presse, le défenseur d'un journalisme libre.
Né le 24 février 1909 à Douarnenez (Finistère), ce fils d'officier de marine fit ses études à l'institution Saint-Sauveur de Redon. Après l'École navale et quelques années de service dans la Marine, Yves Morvan fut, dès 1935, correspondant à Londres du Journal. Il fut mobilisé sur place, à la mission franco-anglaise d'information, le 2 septembre 1939. Détaché au service français de la B.B.C. en juin 1940, il y proclama, le 21, sa certitude définitive que la patrie survivrait à ses malheurs. Sa foi invincible dans la victoire future irrigua ses commentaires de l'actualité militaire et politique. Durant quarante mois, la force de ses messages tint, à ses yeux, “à une improvisation ardente, à une spontanéité sans recherche et à l'écho [trouvé chez 80 p. 100 des Français, en un temps où] dans l'urgence, les émetteurs de radio valaient des corps d'armée”.
Dans la guerre des ondes, il voulut affirmer sa foi dans la liberté et son refus de la désespérance. Avec Pierre Bourdan, il sut ne pas masquer les mauvaises nouvelles, nombreuses pour les Alliés durant plus de deux ans. Il participa aux opérations de propagande avant les premiers raids alliés, pour éviter que les Français ne témoignent trop ouvertement à leurs libérateurs futurs une solidarité qui leur eût attiré “les représailles des brutes”. Il fut aussi, dans l'été de 1942, l'un des responsables de la mobilisation contre les persécutions antisémites : il révéla, le 1er juillet, les “assassinats collectifs” perpétrés en Pologne dans des chambres à gaz roulantes ; et alors que le gouvernement de Vichy livrait aux nazis des Juifs de la zone “libre” et que la police parisienne venait de collaborer à la grande rafle du Vél' d'Hiv', il dénonçait les “ordres de terreur et d'extermination”, la notion d'infériorité de race, le “monstrueux ordre nouveau allemand”.
S'étant réjoui des victoires alliées en U.R.S.S. et du fait que Rommel était “au bout de son rouleau” en Afrique, Jean Marin rejoignit le combat en septembre 1943, dans la 22e flottille de vedettes lance-torpilles. C'est comme officier des forces navales françaises libres qu'il fut attaché à la mission militaire de liaison administrative en Normandie et en Bretagne libérées. Il contribua alors à l'échec du projet américain de gouvernement militaire de la France occupée et au lancement d'une nouvelle presse. Membre de l'Assemblée consultative provisoire en 1944-1945, il siégea au conseil municipal de Paris de 1945 à 1953 et en fut vice-président en 1946-1947.
Directeur du journal Les Nouvelles du matin en 1945, il fut nommé à la tête de l'agence France-Presse par Pierre Mendès France. Il n'eut de cesse d'en garantir l'indépendance par l'arme du professionnalisme et le bouclier d'un statut que le Parlement vota le 28 décembre 1956. Promulgué par une loi du 28 janvier 1957, ce statut fait de l'A.F.P. un organisme autonome, indépendant à l'égard de tout pouvoir économique ou politique et lui donne mission d'assurer un rayonnement mondial à une information exacte et impartiale. Président-directeur général de l'A.F.P. de 1954 à 1975, Jean Marin a contribué à l'extension de l'agence en Afrique et en Asie ainsi qu'à son informatisation.
Cité par le général Kœnig pour son aisance dans le courage aux côtés des F.F.I. dans la bataille de Caen, Jean Marin restait fier d'avoir été un des “vengeurs[...]
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Écrit par
- Charles-Louis FOULON : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)
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