MARINE, genre pictural
La peinture de marine, en tant que genre indépendant, se définit lentement dans la peinture occidentale, plus tard que le paysage et bien après le portrait ou la nature morte. Elle se développe pourtant à la faveur de la même évolution — naissance du tableau de chevalet, intérêt progressif pour les thèmes profanes — à laquelle s'ajoutent des facteurs spécifiques, de caractères historique, social et économique : guerres maritimes (et d'abord les croisades), explorations, essor de la navigation commerciale, qui tournent vers la mer l'attention des amateurs et des artistes.
Chez les peintres italiens du xive siècle, la mer est généralement un simple décor, indiqué en traits schématiques pour situer un épisode de la Bible ou de la vie des saints (la Navicella de Giotto, la Vocation des Apôtres de Duccio, par exemple). Ambrogio Lorenzetti fait exception : telle scène de la Vie de saint Nicolas réserve la plus grande partie du panneau à la mer, sur laquelle les bateaux s'échelonnent jusqu'au lointain ; et la Ville au bord de la mer, qui est sans doute l'un des premiers « paysages » de la peinture européenne, est, en même temps, le premier paysage « marin » qui nous ait été conservé. Mais cette innovation toute personnelle n'aura pas d'écho chez les contemporains ou les émules du grand Siennois.
Comme le paysage, la peinture de genre et la nature morte, la peinture de marine naît chez les Flamands, et grâce aux Van Eyck : dans les Heures de Turin, la représentation des bateaux échoués sur la grève où déferlent les vagues, les remous secouant la barque de saint Julien témoignent d'une sensibilité, d'une attention aux choses de la mer qui seront celles des grands peintres de marine néerlandais. Et Jan van Eyck, avec la Madone du chancelier Rolin (musée du Louvre), crée la formule par laquelle sera franchie la première étape décisive dans l'élaboration du genre : le paysage fluvial, ouvrant la voie à Rogier van der Weyden, à Memling, au Maître de la Vue de Sainte-Gudule.
En Italie, Piero della Francesca, Pérugin, Ghirlandaio, Pinturicchio adoptent le paysage fluvial, tandis que Léonard de Vinci s'intéresse à la formation des eaux, au bouillonnement des marées en tant que phénomènes physiques. Les peintres vénitiens préfèrent les horizons marins avec Carpaccio (Légende de sainte Ursule) et Bellini, dont Vasari admire une Bataille navale pour la manière dont le peintre avait rendu les remous des vagues sous l'étrave des galères.
Mais les premières marines proprement dites apparaissent aux Pays-Bas avec Cornelis Anthonisz qui représente une flotte portugaise prête à appareiller (musée de Greenwich) et la première « tempête » avec Bruegel l'Ancien (musée de Vienne). Les peintres d'histoire interviennent également : Vermeyen, vers 1535, avec le Débarquement de Charles Quint à Carthage, puis, au début du xviie siècle, Hendrick C. Vroom et ses élèves, Aert van Antum, C. van Wieringen, enfin Jan Porcellis, pour lequel la mer seule (et le ciel), loin des ports ou des côtes, devient le sujet du tableau. Il influence toute une génération d'artistes : S. de Vlieger, Jan van de Cappelle, les deux Van de Velde surtout.
L'apogée de la peinture de marine coïncide finalement avec celle du paysage pur dans la peinture néerlandaise : Albert Cuyp, Jacob van Ruysdaël en seront les maîtres. Un autre Hollandais, Paul Bril, fixé en Italie avant 1700, transmet un reflet de la tradition de Bruegel aux paysagistes classiques et, par son élève Agostino Tassi, à Claude Lorrain. Tandis que celui-ci peint surtout les rivages ensoleillés, le Napolitain Salvator Rosa fait connaître à Rome une formule plus mouvementée, avec des horizons inquiétants, des éléments déchaînés, qui impressionneront Tempesta. Séjournant en Lombardie, celui-ci,[...]
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Écrit par
- Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE : critique d'art
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