MARINE
Les puissances navales dans le monde contemporain
Depuis le milieu du xixe siècle, les possibilités techniques, le rôle et la répartition des forces navales ont complètement changé. Au risque de schématiser, on pourrait distinguer quatre phases caractéristiques : les premières expériences de la nouvelle marine de guerre (guerres de Crimée et de Sécession), l'apparition de marines nationales et le développement des marines impériales, enfin la guerre navale à l'échelle mondiale.
Propulsion à vapeur, canons-obusiers, blindage des navires, tous fruits de la révolution industrielle, ont transformé la silhouette des navires de guerre, créé de nouveaux types en quelques décennies et modifié la composition des flottes militaires plus rapidement que celle des flottes marchandes. L'accroissement de vitesse acquis grâce à la vapeur bouleversait les conditions de la guerre, permettait la surprise, affranchissait la manœuvre des servitudes du vent, accélérait le transport à longue distance de corps expéditionnaires nombreux.
Mais ces progrès dispendieux n'étaient accessibles qu'aux États riches. La France en attendait son renouveau naval, l'Angleterre industrielle le maintien de sa prééminence et de son expansion. Toutes deux, de concert, avec le concours italien, expérimentèrent la nouvelle marine contre un adversaire fort éloigné, la Russie. La logistique réussit un premier coup de maître : le transport et le ravitaillement en armes, munitions et vivres d'une armée qui s'éleva à 150 000 hommes. Opération combinée sur mer et sur terre, appuyée par une puissance de feu inusitée. L'expérience de la guerre de Sécession, aux États-Unis, fut un peu différente. Elle démontra la supériorité navale du Nord industriel, et c'est au cours de ce conflit que fut livré le premier combat de l'histoire entre navires cuirassés ; la compétition entre le blindage et le canon commençait, et l'on s'aperçut par ailleurs que c'était à partir des tourelles que l'artillerie disposait du champ de battage le plus étendu. Toutefois, le conflit terminé, l'isolationnisme américain laissa à d'autres marines le soin de tirer parti des expériences.
Le rôle de la marine dans l'expansion coloniale des puissances européennes a été fondamental. Les méthodes ont cependant été différentes selon les pays. Ainsi la marine française a, très souvent, ouvert le chemin à la pénétration militaire par des opérations de détail et l'occupation de points d'appui (Courbet en Indochine, Pierre à Madagascar, Brazza au Congo). La répression de la traite des Noirs en a été l'occasion, à plusieurs reprises. L'Angleterre disposait déjà en Afrique et en Asie de bases de départ, et sa flotte a surtout joué un rôle de soutien (Égypte, Afrique du Sud, Afrique orientale, Birmanie). Quant aux points d'appui, leur fonction était technique (approvisionnement en eau et en charbon) et stratégique (escales sur les routes propres à chaque pays et aux points de passage obligés de la circulation mondiale) : Gibraltar, Malte, Chypre, Alexandrie, Aden, Ceylan, Singapour, Hong Kong, Maurice, Le Cap, Sainte-Hélène, les Falkland, pour l'Angleterre ; Bizerte, Djibouti, Saigon, Nouméa, Diego-Suarez, Dakar, Fort-de-France, pour la France.
Tard venus à l'unité politique ou à l'industrialisation, entre 1870 et 1914, l'Allemagne et l'Italie, la Russie et le Japon se dotèrent de flottes non négligeables. Les États-Unis, qui avaient désarmé après la guerre de Sécession, reconstruisirent la leur, instrument de leur expansion de la fin du siècle (Hawaii, Cuba). Venaient ensuite l'Autriche-Hongrie, la Chine et les États sud-américains (Chili, Pérou surtout). La flotte japonaise, pourvue de trois escadres modernes, infligea un désastre à la marine russe, hétérogène et gênée par l'extension de ses lignes[...]
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Écrit par
- Michel MOLLAT DU JOURDIN : directeur de l'Institut d'économie des transports maritimes, Arcueil
Classification
Médias
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