BENEDETTI MARIO (1920-2009)
Mario Benedetti fut en Uruguay l'un des principaux écrivains, avec José Pedro Díaz, Ángel Rama ou Carlos Martínez Moreno, de la « Génération de 1945 », qui se fit connaître dans l'hebdomadaire Marcha, fondé en 1939 par Juan Carlos Onetti. Un ardent patriotisme, un regard implacable porté sur la réalité politique de leur patrie, l'opposition à la dictature militaire (1973-1985) dont l'Uruguay fut la proie, un attachement sans illusion à la démocratie caractérisent cette « génération critique ». Mario Benedetti, militant contre l'oppression et pour « la défense de la joie », en fut l'un des auteurs les plus prolifiques. Contre la dégradation des gouvernements d'Amérique latine, il fut un admirateur de la révolution cubaine (1959), dont il refusa de condamner les exactions. Selon lui « entre la littérature et la révolution, la révolution a la priorité ». En 1971, il participa à la fondation d'une formation libérale, Movimieto de Independientes 26 de Marzo.
Né le 14 septembre 1920 à Paso de los Toros (Tacuarembó, Uruguay), après des études secondaires vite interrompues à Montevideo, Mario Benedetti exerce, dès l'âge de quatorze ans, divers métiers qui lui permettent de connaître la petite bourgeoisie qu'il évoquera par la suite dans son œuvre (romans, nouvelles, théâtre, poésie, critique, scripts de films, paroles de chansons...) avec autant d'alacrité que d'esprit caustique. Ce milieu d'employés, d'ouvriers ou de bureaucrates inspire la plupart des thèmes, traités de façon réaliste ou ironique, qui caractérisent la première période de l'écrivain.
Peripecia y novela (1946), un volume d'essais, Esta mañana (1949), des nouvelles et Quién de nosotros (1953), un roman, furent ses premières œuvres. Poemas de la oficina (1956) et Montevideanos (1959), recueil de nouvelles sur la médiocrité et la routine des ronds-de-cuir, assurent sa notoriété. La critique des mentalités se fait plus virulente avec El país de la cola de paja (1960), essai sur la « crise morale » que traverse le pays. Elle se prolonge dans deux romans importants : La tregua (1960, trad. franç. 1982) d'audience universelle, récit d'un amour éphémère, qui s'achève en tragédie, entre un chef de bureau à la veille de la retraite et une collègue de travail, brève trêve dans une existence lamentable. L'intrigue a pour décor l'univers mesquin des classes moyennes de la capitale. Gracias por el fuego (1965) a pour protagoniste le fils d'un magnat des affaires, égoïste et tyrannique, symbole des politiciens avec lesquels il est lié. Plutôt que de tuer ce père haï, projet qu'il rumine tout au long du livre, c'est à lui-même que, à force d'écœurement, le pitoyable héros du récit donnera la mort.
En 1973, Mario Benedetti part pour un long exil qui le conduit en Argentine, au Pérou, à Cuba et en Espagne. Son militantisme redouble d'ardeur. Il qualifiera de desexilio, motif de plusieurs de ses livres, la période qui suit son retour en Uruguay en 1983. Une vision plus ample de la situation politique des pays d'Amérique latine gangrenés par la corruption, les coups d'État militaires, les dictatures, la misère, va se déployer au cours de cette seconde période. La muerte y otras sorpresas (1968) rassemble sur ces thèmes des contes fantastiques. El cumpleaños de Juan Ángel (1971), roman en vers, plaidoyer en faveur de la lutte armée, est dédié au dirigeant tupamaro Raúl Sendic. Le roman Primavera con una esquina rota (1982) traite de diverses facettes de l'exil. La borra del café (1992) et Andamios (1996) évoquent les souvenirs et les impressions de l'auteur à son retour dans son pays. Buzón de tiempo (1999) et El porvenir de mi pasado (2003) comptent parmi ses dernières œuvres.
La poésie, à laquelle Benedetti ne cessa[...]
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Écrit par
- Bernard SESÉ : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
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