CHIATTONE MARIO (1891-1957)
Peintre actif dans le milieu pré-futuriste, familier de Boccioni dont son père collectionnait les œuvres, Mario Chiattone s'était formé à Milan, à l'Académie de Brera, où il connut l'architecte Antonio Sant'Elia. En 1913 et 1914, ils partagent le même studio. Chiattone présente, en mai 1914, trois dessins pour La Città nuova à l'exposition du groupe Nuove Tendenze, proche des tendances futuristes. Sant'Elia, pour sa part, y produit seize dessins. Cette exposition est un repère qui permet de comparer les deux personnalités. « Nous nous proposions, il est vrai, de nous éloigner de la Wagnerschule de laquelle nous sortions ; mais pour aller plus loin et non pas pour mépriser en elle nos origines. Nous voulions créer une architecture nouvelle par rapport à celle que diffusait Vienne, car nous pensions qu'il fallait tenir compte de la nouvelle technique en rapide développement et inspiratrice de visions libres et neuves, mais nous pensions à une architecture positive, réalisable... » Ces propos de Chiattone expliquent mieux que le Manifeste de Sant'Elia quelles furent ses composantes idéologiques personnelles. Les dessins de 1914-1917 révèlent des analogies de thèmes et des différences remarquables de traitement. Ce qui caractérise Chiattone — que Sant'Elia a sans doute influencé —, c'est la finition graphique d'un dessin sans bavures ni traits débordants, appliquée de préférence à des thèmes isolés (cathédrales, palais de la Mode, maisons d'appartement I, II, III, IV, V). Pour certains historiens, ces deux personnalités font écho aux deux courants internes qui partageaient le futurisme. Aux dynamismes plastiques de Boccioni correspondraient les traits rapides, les « arabesques de courbes et de lignes droites » de la ville-chantier, de la maison-machine et de la rue-gouffre-tumultueux de Sant'Elia. À l'image statique et silencieuse de la peinture métaphysique répondraient les dessins de Chiattone quand il referme son trait et confère à la ligne valeur de limite. Ceux qui se donneront à partir de 1926 pour des « rationalistes » se ressentiront de l'influence du Manifeste de Sant'Elia. Toutefois, si influence il y a, on la rapportera plutôt aux rythmes réguliers, aux volumes simples et aux aplats colorés de Chiattone, propres à une architecture « positive, réalisable ». Quant aux projets de Sant'Elia, ils comportent des formes et des rythmes qui ne trouveront à s'actualiser qu'à partir des années 1950. Mais tout comme celle de Sant'Elia, la recherche futuriste de Chiattone n'a pas dépassé le stade de la conception. En 1915, il retourne dans « cette espèce de prison » qu'est la Suisse de la Première Guerre mondiale ; loin de participer aux manifestations d'avant-garde — il ignore Dada —, c'est aux maîtres éclectiques du xixe siècle qu'il s'apparente : ses nouveaux projets s'inspirent du néo-roman et de la Renaissance. Son originalité première s'achève dans des œuvres de qualité honnête. Nos contemporains ont retenu cependant sa période futuriste qu'a illustrée en particulier la Première Exposition d'architecture futuriste de 1928 à Turin ; Sant'Elia et Chiattone y figuraient comme les seules personnalités de l'architecture futuriste, sous l'étiquette « Tendance des années vingt ».
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Écrit par
- Marilù CANTELLI : architecte, historienne de l'art
Classification
Autres références
-
FUTURISME
- Écrit par Jean-Louis COMOLLI , Claude FRONTISI et Claude KASTLER
- 5 031 mots
- 9 médias
...gradins, complexes de communication terrestre et aérienne – dérivent de la centrale électrique, symbole d'une Italie industrielle et novatrice. Tout proche, Mario Chiattone (1891-1957) n'appartient pas effectivement au groupe ; ses projets utilisent des schèmes comparables où résonne parfois l'écho formel du...