DRAGHI MARIO (1947- )
Aux commandes de la BCE
Mario Draghi exerce la présidence de la BCE à partir de novembre 2011. La première année est chaotique. Il est soumis à de nombreuses critiques, en particulier de la part de ceux qui s’interrogent sur son passage chez Goldman Sachs. Son heure de gloire arrive le 26 juillet 2012. Le sommet des chefs d’État européens vient de se conclure, non sans grande difficulté, sur la décision de principe des pays membres de la zone euro de poursuivre leur aventure commune, malgré les difficultés que rencontrent dans le financement de leur dette publique les pays que la presse anglo-saxonne appelle les « PIGS » (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne ou Spain), auxquels il faut joindre l’Italie. Ce 26 juillet, Mario Draghi s’exprime à Londres devant un parterre de financiers et de journalistes. Le taux d’intérêt à dix ans pratiqué en Allemagne s’élève à 1,34 % ; celui de l’Espagne atteint 7,60 %, celui de l’Italie 6,60 %. Pour beaucoup d’observateurs, la situation est intenable. En quelques mots, Mario Draghi change la donne. Il déclare : « À l’intérieur de son mandat, la BCE est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour sauver l’euro ; et croyez-moi, ce sera suffisant. » En pratique, il s’agit de mettre en place un programme de rachat par la BCE de titres de dette publique des pays les plus fragiles de la zone euro. Le 6 septembre, Mario Draghi confirme la nouvelle orientation de la BCE en annonçant la mise en place d’un programme d’achat d’obligations publiques appelé Outrightmonetary transactions (« opérations monétaires directes »).
Emboîtant le pas à la Réserve fédérale américaine, la BCE s’engage ainsi sur la voie du quantitative easing (« assouplissement quantitatif »). L’assouplissement quantitatif désigne des mesures de politique monétaire dites « non conventionnelles » visant à relancer l’économie. Pour cela, les banques centrales injectent de l’argent dans les banques en achetant certains de leurs actifs plus ou moins douteux et les incitent ainsi à prêter davantage aux entreprises.
Cette politique gonfle considérablement le bilan de la BCE prise au sens large (c'est-à-dire de ce que les spécialistes appellent le système européen de banques centrales comprenant la BCE et les banques centrales des pays membres de l’Union européenne). Au 31 décembre 2015, ce bilan représente 27 % du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro, contre 12 % pour le premier bilan établi en décembre 2000. Si l’on faisait abstraction des mesures d’assouplissement quantitatif, ce bilan représenterait environ 15 % du PIB de la zone euro. Pourtant, les doutes se multiplient sur l’efficacité de ce programme pour relancer l’économie : doutes des gouvernements de certains pays d’Europe du Nord, qui dénoncent la spoliation des épargnants du fait de la grande faiblesse des taux d’intérêt ; doutes des populations sur l’avenir des banques qui accumulent de plus en plus de billets (le montant des billets en circulation est passé de 5,5 % du PIB en 2000 à 11 % en 2015) ; doutes, enfin, des entreprises dont les investissements restent décevants, ce qui fait de la zone euro l’une des zones économiques où la croissance est la plus faible.
À ces doutes, Mario Draghi et ses défenseurs répondent que la Banque centrale européenne ne peut pas tout. Se voulant modeste, il déclare que « la possibilité de la BCE d'influencer l'économie mondiale est limitée ». Et il rappelle aux gouvernements de la zone euro qu’ils doivent poursuivre les réformes structurelles et mener leur politique budgétaire « en travaillant avec et non pas contre la politique monétaire ».
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Écrit par
- Jean-Marc DANIEL : professeur émérite de sciences économiques, ESCP Europe
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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