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RIGONI STERN MARIO (1921-2008)

Né le 1er novembre 1921 à Asiago, au nord de la Vénétie, sur un plateau ravagé par la Première Guerre mondiale, Mario Rigoni Stern entre à dix-sept ans à l'École militaire des chasseurs alpins d'Aoste. Son accoutumance à la vie montagnarde y trouve un épanouissement. Mais la Seconde Guerre mondiale va s'emparer de ces jeunes soldats d'élite. Brillant skieur et grimpeur, Rigoni Stern sera de tous les combats : contre la France en Savoie (1940), contre la Grèce en Albanie (1941) ; il en publiera le récit (En guerre) en 1971. Jeune sergent en Russie, il revient à pied de la boucle du Don à la Biélorussie au début de 1943. Il consigne ces épreuves inouïes pendant sa longue captivité dans les camps de Pologne et de Styrie où, après l'armistice signé par l'Italie avec les Alliés, le 8 septembre 1943, les Allemands emprisonnent les Italiens. Publiée par Elio Vittorini, cette transcription de la retraite de Russie avec les mots simples des sans-grade qui ressentent dans leur corps les souffrances de la guerre – Le Sergent dans la neige, 1953 – connaît un grand succès national et international.

Le monstrueux démenti de l'idéal d'héroïsme inculqué par le fascisme marque définitivement Rigoni Stern qui se fait mémorialiste et historien des conflits et de la captivité qu'il a vécus. Nombreux sont les épisodes restitués par sa mémoire exceptionnelle et inspirés par le désir de témoigner pour la multitude de ceux qui ne sont pas revenus. Ces récits, d'abord dispersés – et demeurés tels en traduction française dans Retour sur le Don, En attendant l'aube, La Dernière Partie de cartes, Entre deux guerres – ont été regroupés en 2002 en Italie dans I racconti di guerra.

La question que se pose Rigoni Stern : « pourquoi la guerre ? » et l'amour de son pays incitent l'écrivain à élargir son champ d'investigation. De son Plateau, adossé à de hautes montagnes où eurent lieu, peu avant sa naissance, des batailles très meurtrières, il va dérouler une fresque qui s'étend du milieu du xixe siècle jusqu'en 1940, moment de sa propre participation à l'Histoire. Cette trilogie romancée marque une exception chez cet écrivain qui se veut exclusivement narrateur de ce qu'il a vécu et connu. Très documentée, elle reconstitue dans Histoire de Tönle (1978) la civilisation ancestrale, rurale et pastorale des montagnards émigrants saisonniers qui circulaient librement jusque dans l'Europe centrale proche de ce pays. L'Année de la victoire (1985) montre la ténacité de la population du Plateau, d'origine ethnique lointaine, faisant revivre après la guerre la terre de ses ancêtres. Mais les contraintes du fascisme et la misère qui en résulte vont à l'encontre de cette renaissance dans Les Saisons de Giacomo (1995).

Cependant, l'œuvre de Mario Rigoni Stern ne traite pas seulement des vicissitudes de l'Histoire. Elle forme un diptyque présentant une face solaire en contrepoint des récits de guerre. À côté, et même à l'intérieur de ceux-ci, l'auteur décrit son pays de montagne riche d'un très ancien particularisme ; il en relate les coutumes et recherche les traces de son passé (Le Vin de la vie).

Ce pays, il l'a rejoint à pied après s'être enfui d'un dernier camp en avril 1945. Dans le difficile après-guerre, il accepte un modeste emploi au cadastre, qu'il conservera jusqu'aux années 1970. Toute son existence se déroule là, dans un contact sans cesse approfondi avec son environnement, stimulé par une curiosité nourrie de lectures et d'expérience. L'évocation qu'il en fait se caractérise par une précision presque scientifique et par une tendre empathie.

Mario Rigoni Stern rend toute leur noblesse aux formes qu'y revêt la vie des hommes, enrichie de connaissances enseignées par la[...]

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