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VARGAS LLOSA MARIO (1936- )

Cycle de l'ironie

Après cette œuvre monumentale, selon un rythme d'alternance auquel il semble être fidèle, Vargas Llosa publie, en 1973, un court roman : Pantaleón y las Visitadoras (Pantaléon et les Visiteuses). L'enjouement, la gouaille, la grivoiserie contribuent à une satire narquoise dans ce récit des aventures du capitaine Pantaleón Pantoja, chargé d'organiser, au profit des soldats servant dans la forêt amazonienne, un service de « visiteuses » très spéciales : les bons offices de ces dames coopèrent ainsi à la gloire de la patrie. Cette pochade, qui détonne avec la série précédente d'œuvres noires et angoissantes, n'en poursuit pas moins, à sa façon, l'implacable « radiographie du Pérou » à laquelle le romancier a voué son talent. « La réalité américaine, déclare-t-il, offre à l'écrivain un véritable festin de raisons pour être un insoumis et vivre dans le mécontentement : des sociétés où l'injustice est loi, des “paradis” d'ignorance, d'exploitation, d'inégalités aveuglantes, de misère, d'aliénation économique, culturelle et morale. » Ou encore : « La vocation littéraire naît du désaccord d'un homme avec le monde, de l'intuition de déficiences, de vides et de scories autour de lui. La littérature est une forme d'insurrection permanente et elle n'admet pas de camisoles de force. » Pantaléon et les Visiteuses, sur le mode burlesque, participe de cette démystification impitoyable.

La Tía Julia y el escribidor (1977, La Tante Julia et le Scribouillard) est à la fois le récit d'une éducation sentimentale et une évocation de Lima dans les années 1950. Ici le romancier – sous le nom de Marito ou de Varguitas – se met directement en scène : son adolescence, son entourage familial, ses études de droit, ses ambitions littéraires, son expérience du journalisme fournissent la matière d'une narration à la fois truculente et attendrie où apparaît, au premier plan, un étrange personnage, Pedro Camacho, auteur et interprète de feuilletons radiophoniques romanesques et grotesques. Les feuilletons de Pedro Camacho et les amours du jeune Varguitas avec sa tante Julia, racontés alternativement soit sur le mode réaliste, soit sur le mode parodique, selon une composition en contrepoint et en reflets, offrent encore au narrateur l'occasion de prospecter, avec une ironique lucidité, de nouveaux aspects de la mentalité et de la réalité péruviennes.

Évolution de la rébellion des Canudos dans le Nordeste brésilien, mais non sans allusions au Pérou des années 1960, La Guerra del fin delmondo (1981, La Guerre de la fin du monde) marque un des sommets de l'œuvre de Vargas Llosa. Il publie ensuite d'autres romans : El hablador (1987, L'Homme qui parle) et Elogio de la Madrastra (1988, Éloge de la marâtre). Souvenir d'enfance et récit de la campagne qu'il a menée pour la présidence de la République entre 1987 et 1990 constituent la trame El Pez en el agua (1993, LePoisson dans l'eau).

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Le romancier péruvien Mario Vargas Llosa - crédits : The Granger Collection, New York

Le romancier péruvien Mario Vargas Llosa

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