MARITIMISATION DE L'ÉCONOMIE
Évolutions et transformations du transport maritime
La croissance rapide de la demande de transport maritime international a d’abord conduit les armateurs à adapter leur flotte, tant en nombre qu’en taille, pour bénéficier d’économies d’échelle.
Ainsi les pétroliers ont vu leur taille atteindre plus de 500 000 tonnes au début des années 1970, pour redescendre autour de 300 000 tonnes principalement en raison des conséquences des grandes marées noires accidentelles ayant affecté diverses côtes du monde entier. La flotte gazière compte des Qatarmax (ou Qmax) de près de 270 000 m3 de gaz naturel liquéfié (GNL). Les grands vraquiers de la compagnie minière brésilienne Vale – ou Valemax – sont des navires de 400 000 tonnes de port en lourd, ce qui représente leur capacité de chargement maximal.
Le développement de la conteneurisation pour les marchandises diverses, qui s’est accéléré à partir des années 1980, a lui aussi induit la construction progressive de flottes de navires de très grande taille pour réaliser des économies d’échelle, puisque les plus grands porte-conteneurs atteignent plus de 24 000 EVP (équivalent vingt pieds ; un conteneur maritime courant mesurant vingt pieds, soit 6 mètres), avec une longueur de 400 mètres, une largeur de plus de 61 mètres, pour 27 rangées de conteneurs et un tirant d’eau de près de 17 mètres. Les plus grands navires rouliers peuvent, quant à eux, transporter jusqu’à 8 500 voitures ; le transport de passagers ou de croisiéristes n’est pas en reste puisque les plus grands navires de croisière, comme le Wonder of The Seas, peuvent héberger 7 000 croisiéristes.
Les ports et les goulets d’étranglement que représentent les canaux maritimes ont dû également s’adapter. Les ports ont ainsi réalisé de nouvelles infrastructures, et les services aux navires (pilotage, remorquage, lamanage) se sont étoffés pour servir ces nouveaux navires. Les opérateurs de terminaux se sont dotés d’outillages de quai et de parc permettant de traiter les chargements et déchargements de marchandises plus rapidement, diminuant le temps d’escale, malgré les volumes en croissance. Par ailleurs, le triplement des écluses du canal de Panamá – de plus grande taille et dotées de bassins d’épargne assurant une économie d’eau douce provenant du lac Gatún – a ouvert à l’Asie un accès à la côte est des États-Unis avec des navires de 14 000 EVP (contre 4 500 EVP antérieurement), tandis que l’élargissement du canal de Suez, qui ne comporte pas d’écluses, a permis aux trafics Asie-Amériques et Asie-Europe de suivre les progressions du commerce intercontinental.
L’intégration entre le système portuaire international et les chaînes logistiques internationales s’est renforcée : services de porte-conteneurs desservant des ensembles de ports échelonnés en rangées (ranges), de telle façon que les navires desservent les ports de chaque rangée avec une fréquence hebdomadaire ; diversification et massification des moyens d’évacuation ou d’acheminement des marchandises (route, cabotage maritime, transport ferroviaire ou transport fluvial) de façon à éviter un engorgement du port. Enfin, la conteneurisation s’est accompagnée d’une très forte concentration du marché autour des principaux armements mondiaux (Maersk, MSC, CMA-CGM et Cosco), qui contrôlaient, en 2022, 55 % du marché et ont conclu en 2017, entre eux et avec quelques autres armateurs, trois alliances pour partager les emplacements de conteneurs (slots) disponibles sur leurs mégaporte-conteneurs et améliorer ainsi les taux de remplissage. La conteneurisation a également amené les chargeurs à optimiser leur logistique de distribution des produits de grande consommation à l’échelle continentale ou infracontinentale, en construisant des plateformes de stockage et de distribution proches des ports les plus[...]
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Écrit par
- Geoffroy CAUDE : ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, membre associé de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable
Classification
Médias