MARITIMISATION DE L'ÉCONOMIE
Perspectives : des tendances contraires
D’une part, la volonté de nombreux États de repositionner au niveau national ou régional des filières d’approvisionnement jugées stratégiques – comme les filières pharmaceutiques, des composants électroniques, ou des métaux rares utilisés pour les énergies renouvelables – fait peser de fortes incertitudes sur l’évolution de la maritimisation de l’économie. D’autre part, l’augmentation considérable des populations dans certains pays, notamment en Inde et en Afrique, devrait induire un accroissement de leurs échanges. Les besoins d’approvisionnement céréaliers et de développement du continent africain pourraient ainsi contribuer à une augmentation sensible des flux maritimes Nord-Sud – les croissances les plus rapides ont, jusque-là, toujours essentiellement concerné les flux Est-Ouest Transpacifique ou Europe-Asie.
Enfin, la maritimisation se poursuit de façon très soutenue au moins pour deux activités : les énergies renouvelables éoliennes offshore, appelées à se développer à un rythme accéléré dans les zones côtières ou les zones économiques exclusives des pays côtiers ; le déploiement de l’infrastructure de câbles optiques sous-marins, par lesquels passent 95 % des informations sur Internet.
Dans le contexte de transition énergétique et de décarbonation de l’ensemble des filières de l’économie mondiale, le transport maritime, qui s’est largement développé à partir des années 1960 grâce à l’industrie pétrolière et chimique, fait face à un défi majeur : changer radicalement son énergie de propulsion, dans le but de supprimer à long terme ses émissions de gaz à effet de serre. Si le méthane peut servir à titre transitoire au transport maritime, comme l’illustre la très forte augmentation des commandes de navires méthaniers, accrue encore par les effets du conflit en Ukraine, seuls les biocarburants, le méthanol, l’ammoniac et l’électricité (acheminée sur de courtes distances), s’ils sont produits sans énergie fossile, peuvent à terme lui permettre d’y parvenir, au besoin avec de l’assistance vélique sur certains trajets favorables à ce mode de propulsion. Ces investissements très lourds pour les armateurs ne relégueront-ils pas au second plan les éventuelles possibilités de recourir à des navires de plus grande taille ? La poursuite des applications numériques et de l’automatisation des opérations portuaires ou des navires suppose également d’associer encore plus étroitement les marins et les opérateurs portuaires, dont les métiers seront très sensiblement affectés par ces transformations. Une profonde redistribution des flux mondiaux de marchandises liée à la conjugaison de ces trois facteurs – stratégique, démographique et énergétique – est donc engagée.
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Écrit par
- Geoffroy CAUDE : ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, membre associé de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable
Classification
Médias