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MARIVAUX PIERRE CARLET DE CHAMBLAIN DE (1688-1763)

Marivaux, L.-M. Van Loo - crédits : Leemage/ Corbis/ Getty Images

Marivaux, L.-M. Van Loo

De tous les auteurs du xviiie siècle, Marivaux est celui dont l’image est désormais la plus éloignée de celle qu’avaient de lui ses contemporains ou les générations qui l’ont immédiatement suivi. Ce sont les metteurs en scène et les acteurs, tout autant que les critiques, qui ont révélé son œuvre, celle d’un écrivain de génie, à telle enseigne qu’on pourrait le dire notre contemporain. Aux yeux de Voltaire, « il pesait des œufs de mouche dans des balances de toiles d’araignée ». En dépit de son succès auprès du public, ses contemporains lui reprochent, pêle-mêle, sa langue, « ce singulier jargon, tout à la fois précieux et familier, recherché et monotone » (d’Alembert), « le caractère de son esprit plus porté à la finesse qu’à la force, plus à sourire qu’à s’attendrir, et plus de finesse que d’intérêt ». Bref, on voyait en lui le mondain, un homme des conversations de salons, un métaphysicien, un talent efféminé à l’heure où les Lumières demandaient une réaction virile contre le rococo. Ses admirateurs, dès le xixe siècle, le défendaient à l’intérieur du même paradigme critique et voyaient en lui l’élégance des temps d’avant la Révolution, le babil amoureux ou la subtilité psychologique française. Le « marivaudage », comme on dit. Il faut attendre la seconde moitié du xxe siècle pour qu’une pleine justice lui soit rendue. Les metteurs en scène, d’abord, ont révélé un Marivaux critique rigoureux de la société des dernières décennies de l’Ancien Régime, et, surtout, un Marivaux cruel, pessimiste, libertin et sadien : Jean Vilar, pour Le Triomphe de l’amour en 1956, Roger Planchon pour La Seconde Surprise de l’amour en 1959. Les critiques, ensuite, ont lu ses romans en les rapprochant de l’abbé Prévost, Crébillon fils, Choderlos de Laclos, et son théâtre de Racine plutôt que de Favart et La Chaussée. Le Marivaux que nous connaissons aujourd’hui ouvre sur les profondeurs du désir humain, sur la violence sociale, sur les énigmes du langage ; il donne accès à une anthropologie résolument moderne.

Une vie discrète

Pierre Carlet de Chamblain, Marivaux à partir de 1716, est né à Paris à la fin du règne de Louis XIV, le 4 février 1688. De l’homme, nous savons peu de choses. Il appartenait à une honnête bourgeoisie, aisée, ce qui était aussi le cas de son épouse. Cependant, ruiné en 1720 par la banqueroute de Law, il ne parvint jamais à rétablir sa fortune.

Enfant, il suit son père à Riom, où celui-ci avait acheté une charge de contrôleur des monnaies. Il fait à Paris des études de droit et y fréquente le salon de Mme de Lambert, plus tard ceux de Mme de Tencin et de Mme du Deffand. Il entre en littérature, de manière significative, par la comédie (Le Père prudent et équitable, qui ne sera pas représenté) et par la parodie ou le travestissement burlesque (L’Iliade travestie, 1716 ; Pharsamon, ou les Nouvelles Folies romanesques, 1713, publié en 1737 ; Le Télémaque travesti, 1715-1716, publié en 1736). Dans la querelle des Anciens et des Modernes qui agite alors le monde des lettres, il s’engage d’emblée du côté des seconds. Il publie à la même époque des journaux(comme Le Spectateur français, paru de juillet 1721 à octobre 1724, feuilles réunies en 1727) qui témoignent d’une écriture critique et morale qu’on rencontre par la suite dans ses romans et son théâtre. C’est en 1720, avec Arlequin poli par l’amour, petite comédie créée au Théâtre-Italien, et Annibal, une tragédie créée au Théâtre-Français, qu’il entame la grande série de pièces qu’il donnera sur les scènes parisiennes. D’incontestables succès, comme La Surprise de l’amour (1722) ou La Double Inconstance (1723), Le Jeu de l’amour et du hasard (1730), La Mère confidente (1735) alternent avec des œuvres accueillies plus fraîchement comme[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Médias

Marivaux, L.-M. Van Loo - crédits : Leemage/ Corbis/ Getty Images

Marivaux, L.-M. Van Loo

<em>La Dispute</em> de Marivaux, mise en scène de Muriel Mayette - crédits : Raphael Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

La Dispute de Marivaux, mise en scène de Muriel Mayette

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