DIETRICH MARLENE (1901-1992)
Si Garbo était « la divine », Marlene est « l'impératrice ». Elle l'est parce qu'on ne l'imagine guère sans le costume d'apparat qui sied à la fonction dans The Scarlet Empress (L'Impératrice rouge, 1934), évidemment, ou dans Dishonored (X27, 1931), Shanghai Express (1932), Blonde Vénus (1932), The Devil Is a Woman (La Femme et le pantin, 1935), tous de Josef von Sternberg. Il en va de même sous la direction d'autres réalisateurs : Rouben Mamoulian (Song of Songs[Cantique d'amour], 1933), Frank Borzage (Desire [Désir], 1933), Jacques Feyder (Knight without Armor [Chevalier sans armure], 1937), William Dieterle (Kismet, 1944), ou Orson Welles (Touch of Evil [La Soif du mal], 1958), où elle retrouve le costume de son personnage de Golden Earings (Les Anneaux d'or, Mitchell Leisen, 1947). Si Sternberg a façonné son personnage, au point d'affirmer, évoquant involontairement sans doute une célèbre formule de Flaubert, « Marlene n'est pas Marlene, c'est moi ! », en fait, le personnage existait à l'état naissant avant Sternberg – Der Blaue Engel (L'Ange bleu, 1930) est son quinzième film ! Il continuera d'exister après lui à l'écran, dans ses tours de chant et, souvent, dans la vie.
Un couple baudelairien
Maria Magdalena Dietrich, dite Marlene Dietrich, née à Berlin le 27 décembre 1901, a connu une longue carrière par rapport à la plupart des stars hollywoodiennes, tout particulièrement sa grande rivale Greta Garbo. Elle a incarné pendant plus de trente ans, à l'écran comme au music-hall, une image mythique et singulière de la femme, à la fois objet de culte amoureux et sujet lucide et dominateur.
Marlene Dietrich est la fille d'un officier de cavalerie. Son enfance à Weimar est à la fois protégée et marquée par la discipline. Elle manifeste très tôt des prédispositions pour le violon, mais doit abandonner l'espoir d'une carrière d'instrumentiste à la suite d'une maladie du poignet. Dans le Berlin en crise des années 1920, elle vit la bohème d'une jeunesse sans repères, jouant du violon dans les cinémas ou se produisant comme danseuse dans des tournées. Elle suit aussi des cours de théâtre avec un assistant de Max Reinhardt et débute au cinéma en 1923 (Der Kleine Napoleon [Le Petit Napoléon], Georg Jacoby), avant d'épouser l'année suivante un régisseur influent, Rudolf Sieber. Ses parures extravagantes, ses jambes et ses rôles provocants, parfois ambigus, la font remarquer. Des spectacles musicaux tels que Es liegt in der Luft, avec la très masculine Margo Lion, et des films comme Cafe Elektric (Filles d'amour, Gustav Ucicki, 1927) ou Prinzessin Olala (Princesse Olala, Robert Land, 1928) en font une vedette. Josef von Sternberg, frappé par la souveraineté de son regard, contrastant avec une très « vivante » sensualité, l'impose dans le rôle de Lola-Lola dans L'Ange bleu (1930), d'après le roman de Heinrich Mann. En l'espace de sept films, le metteur en scène va faire de la blonde et pulpeuse Allemande une star sophistiquée et « glamour », exhibant les tenues les plus troublantes et ambiguës : plumes, peau de gorille, robes drapées, fourrures, collants, smokings d'homme...
Parmi les admirateurs de Marlene, la majorité (surtout masculine) apprécie cette transformation, considérant que sa silhouette, dans L'Ange bleu, est encore lourde, sans grâce, trop « germanique ». C'est confondre un peu vite le personnage et l'actrice : lourdeur du corps et vulgarité font partie de l'entraîneuse Lola-Lola. Elles restent présentes dans certaines scènes de Morocco (Cœurs brûlés, 1930), où s'opère le remodelage de la star. Le point de vue, féminin (et féministe), de Louise Brooks rencontrant à Hollywood pour la première fois Marlene, « une jolie blonde bien en[...]
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Médias
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